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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Szczeciner
Paris : Sonatine, février 2025
408 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-35584-946-6
Cauchemar d'un Lynch sous psychotropes
Rob Cussen est une mère de famille dotée de deux petites filles, d'un travail comme institutrice et d'un mari charmant et professeur de faculté. La belle vie quoi, mais c'est compter sans divers petit détails : le mari a dû se résoudre à une petite université sans trop d'avenir brillant et il utilise son temps libre pour multiplier les conquêtes, sachant faire payer violemment toute discussion intempestive. De plus, si une des filles est calme, la seconde Callie a des amis imaginaires, a une tendance à vouloir poignarder sa sœur ou à l'empoisonner, ou d'autres activités qu'elle juge constructives, ce qui fait que la mère passe son temps à surveiller et à protéger la future victime. De plus, on commence à découvrir des animaux morts ou torturés dans le coin et il se pourrait que ce soit aussi le travail de sa fille. En conséquence, le passé de Rob lui revient en mémoire car autrefois, enfant, elle fut élevée par des parents hippies coincés dans le désert et qui s'occupaient de récupérer des chiens ayant fait l'objet d'expériences médicales (ou alors ils les pratiquaient). Toujours est-il qu'elle rêve de chiens à la tête couverte d'électrodes, tout en essayant de savoir avec qui couche son mari et en regardant si sa fille n'est pas en train d'essayer de noyer sa sœur. De quoi la perturber. Elle décide alors de se rendre dans le ranch du désert où vivaient ses parents, avec sa fille, pour y trouver un réconfort. Idée étrange mais après tout dans une famille dysfonctionnelle...
Difficile de résumer l'intrigue du roman de Catriona Ward, ni même d'essayer de présenter l'histoire car chaque chapitre vient perturber le précédent, créant un réseau labyrinthique gothique de grande force. Des images viennent et repartent, repassent pour perturber l'histoire. Au départ, on croit être avec une famille moyenne à qui rien ne peut arriver et puis chaque scène détruit ce confort, évoque le passé, revient sur des scènes peut-être réelles, peut-être fantasmées, où chacun n'est pas forcément celui ou celle que le lecteur pense. L'atmosphère pesante, la chaleur, les scènes dans le désert renforcent ce dépaysement et cette perte de sens. Alors qu'on lisait le livre, était annoncée la mort de David Lynch, et l'on se dit qu'il y a un rapport plus qu'évident avec ce roman qui rappelle l'œuvre du Maître : ce sens du réalisme si épuré qu'il en devient fantastique, ce goût du léger décalage qui fait qu'un salon cosy devient une pièce de torture et qu'une fille parfaite n'est qu'une victime d'inceste. En multipliant des petites touches, voilà un roman gothique, noir sans presque aucun mort ensanglanté, comme une boule de vice condensé, un bonbon trop sucré pour malade trop diabétique, une nouvelle surprise des éditions Sonatine.
Citation
De mon coté, j'ai toujours su aides les choses pales. Elles n'ont pas peur de moi, alors qu'elles ont tendance à se méfier de pratiquement tout le monde. Je crois que c'est parce que je ne leur demande pas d'être ce qu'elles ne sont pas.

