L'Écluse

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vendredi 19 avril

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Bande dessinée - Noir

L'Écluse

Social - Tueur en série - Rural MAJ mardi 23 août 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 15,9 €

Philippe Pelaez (scénario), Gilles Aris (dessin)
Gilles Aris (coloriste)
Charney-les-Macon : Bamboo, août 2022
64 p. ; illustrations en couleur ; 30 x 22 cm
ISBN 978-2-8189-7823-8
Coll. "Grand angle"

Une écluse mortifère

À l'écluse de Douelle sur le Lot au début des années 1960, on repêche coup sur coup trois corps de jeunes noyées. Pour la population, le difforme Octave-Bave (comme l'appellent les garnements du coin), éclusier (de père en fils), est un coupable tout trouvé. Mais Octave-Bave s'est attiré les sympathies de la jeune Fanette, qui le défend de ses bourreaux. C'est alors qu'un inspecteur est diligenté de Cahors et qu'il va devoir mener son enquête pendant que la colère gronde, que la psychose s'installe et que les hommes du pays entendent monter leur propre milice. En préambule de cette bande dessinée de Philippe Pelaez (scénario bien ficelé avec une écriture stylisée) et Gilles Aris (dessin magnifié par une lumière éclatante et un attrait tout particulier pour les yeux), on a quelques pages au sortir de la guerre avec une femme qui est accusée d'avoir pactisé avec les Boches et qui se retrouve tondue. Quelque part, le terme de "milice" peut – doit – faire écho à cet instant où après la Milice pétainiste, une autre Milice, sortie du bois, se dédouanait quelque peu de sa propre lâcheté en faisant une justice immanente. La fin de l'histoire, elle aussi en quelques maigres pages, apportera un nouvel éclairage sur cet acte et ses conséquences, nous amenant une réflexion sur la notion de vérité.

Les deux auteurs dans l'intervalle, sur une thématique décalquée à la fois de La Belle et la Bête et de Notre-Dame de Paris, nous offrent une profonde histoire de terroir, comme pouvait en écrire Georges Simenon (on pense à Chez Krull avec une écluse, une population à la dérive qui s'émancipe du Droit, des antagonismes germano-français et une atmosphère pesante). Surtout que dans ce cas bien précis, l'écluse est le personnage principal. On apprendra le lien qui unit Octave et les écluses. Puis on découvrira ses rapports avec la Fanette, et comment elle va le faire rêver d'écluses écossaises sur fond d'escalier de Neptune. Enfin, on débusquera ce personnage torve qu'est Alban, petit caïd, violeur en série, prompte à tourmenter les faibles. La plus grande réussite du duo Pelaez-Aris est peut-être à chercher dans cette exploration très dostoïevskienne de l'âme. Le récit hésite sans cesse. Propose des personnages ambigus. Du père d'Octave, Mychkine (un nom de prince dans la littérature russe), taiseux et protecteur, à son "fils" Octave (un Quasimodo en puissance hanté par sa mère), en passant par Alban (lui, c'est le Mal désabusé incarné), la Fanette (une Esmeralda qui n'a pas froid aux yeux et qui le paiera) et cet enquêteur, l'inspecteur Mollinier, qui traverse cette intrigue avec ses quarante kilos tout mouillé et qui sera tout sauf infaillible. Véritable témoignage d'une époque et de ses mœurs, L'Écluse est une histoire qui ne laisse pas insensible, avec un travail sur le patois des dialogues et magnifié par un trait qui sait être lumineux quand il le faut et qui se joue de l'inrigue avec malice. Une bien jolie histoire moche.

Citation

- Vous arrivez de Cahors, votre gueule de gamin plein de boutons, avec vos 40 kilos empaquetés dans votre beau blouson... Et vous venez nous dire que vous représentez la force ? Et nous, alors, on est quoi ?
- Des assassins en puissance...

Rédacteur: Julien Védrenne mardi 23 août 2022
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