Sous le feu des projecteurs

Le notaire Villalon, en vieil animal fourbe, avait parfaitement flairé le parfum d'entourloupe dont la jeune femme enveloppait sa gestuelle gourmande.
Stéphane Prat - Les Motel
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 28 mars

Contenu

Roman - Policier

Sous le feu des projecteurs

Whodunit - Artistique - Rural MAJ lundi 09 mai 2022

Note accordée au livre: 2 sur 5


Inédit

Tout public

Prix: 14,9 €

M. C. Beaton
Death of a Scriptwriter - 1999
Traduit de l'anglais par Amélie Juste-Thomas
Paris : Albin Michel, mars 2022
314 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-226-46013-4
Hamish McBeth, 14

Ce qu'il faut savoir sur la série

Né dans l'imagination de M.C. Beaton à la faveur d'un stage de pêche dans l'extrême nord de l'Écosse, Hamish McBeth, fils de crofters (paysans écossais propriétaires de crofts, parcelles arables ceintes de haies ou de barrières généralement de petite taille) et premier-né d'une fratrie de sept enfants, est un jeune policier en poste dans un petit village des Highlands nommé Lochdubh. Ne perdez pas de temps à chercher ce minuscule point sur une carte : c'est un village fictif, mais les références à des villes bien réelles (Inverness, Dingwall ou Dornoch) l'enracinent dans l'authenticité écossaise. Le physique longiligne d'Hamish, sa chevelure rousse flamboyante et ses yeux noisette lui donnent un air débonnaire, que ne démentent ni son indolence, ni sa propension à la paresse, ni son manque d'ambition – son grade modeste dans son village le satisfait pleinement, il est heureux de son sort et fait tout ce qu'il peut pour éviter d'être promu. Afin d'améliorer son ordinaire il élève quelques bêtes, cultive un petit potager, ne dédaigne pas de braconner... mais il sait surtout mettre son intelligence au service de la loi pour résoudre des affaires criminelles que ses supérieurs peinent à boucler – ou croient à tort résolues. À cet égard, la connaissance qu'il a des membres de sa communauté, de leurs qualités (et de leurs travers), de leurs différends (et de leurs affinités) est un atout majeur. Comme tout bon héros de série qui se respecte, il évolue en compagnie d'une petite escouade de personnages récurrents : quelques villageois, des collègues (le superintendant Peter Daviot, l'inspecteur Blair...), une "bonne amie" avec qui la relation peine à se nouer... Sans oublier ses compagnons à quatre pattes : un chat sauvage apprivoisé, Sonsie, et deux chiens, Towser et Lugs.
En 2018, la publication de la dernière enquête menée par Hamish McBeth (Death of a Honest Man) portait à 35 le nombre de volumes constituant la série.
En France, la série fait son apparition au printemps 2019 aux éditions Albin Michel – qui publient déjà la série "Agatha Raisin". En trois ans, les 14 premiers volumes sont traduits et mis à la disposition des lecteurs. Voilà au moins une entreprise éditoriale qui ne traîne pas...

Morne plaine

Patricia Martyn-Broyd est une vieille dame très comme-il-faut, romancière de son état et fière comme Artaban de son héroïne, une aristocrate distinguée s'improvisant à l'occasion détective amateur, lady Harriet. Or ses romans ne se lisent plus guère. Et elle-même connaît les affres de la "page blanche" : depuis la sortie de son dernier opus, L'Affaire des marées montantes, elle n'a plus écrit une ligne. Cinq ans, tout de même ! Pour tâcher de redonner un peu d'élan à son inspiration, elle s'est retirée dans une fermette du Sutherland, à Cnothan. En vain. Sa vieille Remington prend la poussière, son moral aussi. Un courrier de la Strathclyde Television vient cependant illuminer son quotidien : la société de production projette de tourner une série télévisée inspirée de ses romans ; le premier épisode serait, justement, tiré de L'Affaire des marées montantes... Excellente nouvelle pour Patricia. À un détail près : le scénario lui inspire une répulsion telle qu'elle refuse de signer le contrat. Pensez donc : Jamie Gallagher, le scénariste, a transformé lady Harriet en une "créature de rêve" plus soucieuse d'exhiber ses charmes que d'enquêter. Penelope Gates, l'actrice pressentie pour le rôle, est plastiquement parfaite – mais son rapport avec la lady Harriet de papier des plus ténus...

Le tournage finit par s'engager, à Drim, non loin de Lochdubh. Aussi Hamish MacBeth est-il aux premières loges lorsque l'on découvre le cadavre de Jamie Gallagher. Ivrogne impénitent, il cultivait les inimitiés comme d'autres leur jardin et avait su se mettre à dos à peu près tous les membres de l'équipe. Un coupable est assez vite identifié, qui a la mauvaise idée de mourir dans la foulée... Affaire classée ? Peut-être pas : un troisième cadavre se présente, celui de Penelope Gates.
Une série noire qui, en définitive, arrange bien la vieille romancière : le projet d'adaptation de ses romans est maintenu, mais le scénario entièrement réécrit ; les élucubrations racoleuses de Jamie sont remisées aux oubliettes et la nouvelle incarnation de lady Harriet plus conforme aux aspirations de sa créatrice. Certes, les meurtres restent irrésolus... mais Hamish, injustement sous-estimé par ses supérieurs, finit par abouter correctement les indices qu'il a glanés et par en tirer la conclusion qui s'impose.

L'affaire pourrait être intéressante. En dépit d'un incipit fleurant bon le cliché avec sa mise en abyme cousue de gros fils blancs et ce personnage de romancière en panne exilée à la campagne ô combien stéréotypé, on se dit qu'on va quand même rire un peu. Et puis la galerie de personnages continue de se garnir en stéréotypes – le vrai-faux voyant, la starlette arriviste dont le talent est inversement proportionnel à sa beauté plastique, le scénariste-vedette qui tyrannise son monde... – tandis que les situations se "clichéisent" systématiquement : le petit village qui fantasme comme un seul homme à l'arrivée de "la télé", l'équipe de tournage gangrenée par une ambiance ressemblant beaucoup à celle supposée régner dans un panier rempli de crustacés enragés, les "flics de ville" trop pressés qui se font damer le pion par le sous-fifre rural qu'ils toisent de haut, etc. Quant à l'écriture, elle est à l'avenant : plate, exagérément explicative, dépourvue d'inventivité dans les comparaisons et métaphores – vu la bonne qualité d'ensemble du texte français, il n'y a aucune raison de penser que la traductrice ait pu malencontreusement aplatir un style plus "relevé" en anglais –, plaçant systématiquement les description de personnages à leur première apparition dans le récit... Bref : une écriture formatée, dont on dirait qu'elle est la mise en œuvre d'une recette piochée dans un manuel pratique – Comment écrire une comédie policière "rurale" en dix leçons ...

Et l'humour dans tout ça ? Il ne se hausse pas bien loin et, si l'on est "mauvais public", on ira jusqu'à constater son absence. Aucun "sel" dans les dialogues, pas une once de causticité alors que l'incursion de l'univers médiatique, fort de tous les fantasmes qu'il véhicule, dans la routine villageoise aurait pu donner lieu à une savoureuse satire... rien ne grince, rien ne dépasse, même les gags tombent à plat, sans doute faute de rythme et de nerf – par exemple quand l'équipe de production se met en dix pour dissimuler à Patricia Martyn-Broyd, à grands renforts de vêtements jetés à la hâte sur des acteurs dénudés, que ce qui est en cours de tournage relève crûment de la pornographie. Pire : ce qui est censé faire rire finit par agacer à force de répétitions. Les mêmes traits prétendument "comiques" (caricaturaux ?) sont décochés encore et encore, il est répété comme un refrain qu'"on est dans les Highlands" comme si cet ancrage géographique suffisait à doter le roman de l'extension "comédie".

Décidément, la sauce ne prend pas. L'affaire n'est, in fine, pas intéressante du tout, même si l'intrigue criminelle en soi, certes classique, n'est pas si mal trouvée. Mais elle est desservie par un récit frappé d'arythmie, une écriture atone, le tout aggravé par ces clichés que l'on ramasse à la pelle...

Citation

Penelope Gates : la réponse de l'Écosse à Sharon Stone.

Rédacteur: Isabelle Roche lundi 09 mai 2022
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page