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samedi 20 avril

Contenu

Roman - Noir

Lëd

Ethnologique - Social - Assassinat MAJ vendredi 22 janvier 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Public connaisseur

Prix: 22,9 €

Caryl Férey
Paris : Les Arènes, janvier 2021
400 p. ; 22 x 16 cm
ISBN 979-10-375-0278-0
Coll. "Equinox"

Lëd it be

Les lecteurs qui suivent avec attention Caryl Ferey ont peut-être déjà lu Norilsk, un "récit de voyage" de l'auteur paru chez Paulsen en 2017, avec son ami la Bête (la personne qui sert de modèle pour le personnage de Mc Cash de sa trilogie), dans la ville de Norilsk. S'ils ont bonne mémoire, ils retrouveront quelques détails et informations qui sont injectés de manière vivante dans ce roman. De même, ils se souviendront peut-être que, vers la fin de son livre, l'auteur évoquait justement l'idée d'un roman noir centré sur cette région. Norilsk est une ville sibérienne du nord de la Russie. Confrontée à un climat hostile, elle recèle de nombreux gisements de minerais. Du temps de Staline, c'était un goulag où les prisonniers servaient de main d'œuvre. Aujourd'hui, il n'y a plus de goulag, mais le capitalisme débridé à la russe n'a pas énormément changé le quotidien des gens de peu, et les mines sont un territoire qui ressemble plus à celui du Zola de Germinal qu'à une entreprise capitaliste soucieuse du bien-être de ses employés et de l'environnement. Une entreprise a la main mise sur l'extraction et dégage tellement de bénéfices que les dix pour cent de pertes dus aux différentes fraudes passent par pertes et profits sans angoisse.
L'intrigue de Lëd va tourner autour de personnages du quotidien - un policier honnête et qui pour cela a été muté dans ce coin pourrie où il faut lutter contre le froid, les tempêtes et la pollution omniprésente, si prégnante que les cours d'eau ont même changé de couleur ; deux mineurs qui doivent cacher leur relation homosexuelle et dont l'un réalise des photographies sur son temps libre ; un autre mineur qui se livre à la boxe  une écologiste qui revient en ville ; enfin un soldat perturbé par la violence vécue et donnée en Afghanistan. Tout commence avec une tempête qui va permettre de découvrir le corps d'un homme. C'est un inconnu, mais le policier est obstiné et découvre qu'il est un des derniers nomades autochtones, vivant de l'élevage du renne. Pourquoi était-il en ville et surtout pour quelle raison a-t-il été assassiné ? Était-il en lien avec cette écologiste revenue et découverte, elle aussi, assassinée ? Par delà l'enquête, même si elle n'est pas qu'une anecdote, ce qui compte c'est la façon dont Caryl Férey se sert de son voyage et de ses notes, de sa documentation pour nous montrer, de manière réaliste, une société particulière, une sorte d'île au milieu des terres, minée (sans jeu de mots) par la corruption et l'âpreté du climat. Voilà donc une sorte de version de "C'est ainsi que les hommes vivent", dans un univers clos, où l'on picole pour oublier la dureté, où l'on se réfugie dans l'amour, où comme partout on s'illusionne sur la vie, l'amitié et la justice. Cette vie quotidienne qui constitue le cœur du roman s'inscrit avec soin et intelligence dans la vie désespérée de personnages humains, décrits avec empathie, et qui acquièrent une grande force d'imprégnation du lecteur. Porté par le récit et son rythme, par les enjeux individuels des acteurs de ce drame, Lëd reconstitue avec soin l'atmosphère de toute une ville pionnière avec une jeune femme qui cherche des traces de sa famille sans doute disparue dans les camps, dans l'obstination à vivre des nomades ou de ses Sibériens qui continuent, malgré la corruption, la violence, la dureté de la vie et du climat, la rigueur du travail (quelques scènes dans les mines qui en révèlent les difficultés et les risques), dans cette description quasi clinique du capitalisme sauvage, identique à celui présenté dans des pays tropicaux, dans d'autres romans et, ici, dans une nature autrement hostile. Le roman, noir jusqu'à sa conclusion, est maitrisé de bout en bout, et il constitue un nouveau tour de force, une nouvelle réussite de Caryl Férey.

Citation

Il faisait -37° C le 5 février, d'après le bulletin météo qu'il avait consulté. Une température où un corps humain gelait en quelques heures, qui plus est juché en plein vent sur un toit d'immeuble. Et d'après la légiste, le composé chimique rouge provoqué par les émanations des usines s'était déposé sur le cadavre et les vêtements du Nenets le jour même, avant qu'il ne devienne dur comme du bois.

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 22 janvier 2021
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