L'Arme à l'œil. Violences d'État et militarisation de la police

Je m'étais alors presque résigné à ne pas changer le cours de l'histoire de France.
Francis Zamponi - 69, année politique
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jeudi 18 avril

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Essai - Policier

L'Arme à l'œil. Violences d'État et militarisation de la police

Politique - Social MAJ mardi 10 avril 2018

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 8 €

Pierre Douillard-Lefevre
Lormont : Le Bord de l'eau, mai 2016
84 p. ; 19 x 12 cm
ISBN 978-2-35687-464-1
Coll. "Altérité critique poche"

LBD 40

En 2007, Pierre Douillard-Lefevre perdait l'usage d'un œil, touché par un tir de flash-ball... Il était lycéen et participait à une manifestation lycéenne autorisée. Quand le vieux monde se meurt, écrivait Gramsci, avant qu'un autre ne surgisse, on lâche les chiens. Lui a compris que c'est ce temps-là que nous vivons : la décomposition de l'État français, qui s'accompagne d'une violence inouïe, programmée, délibérée. À Sivens, Rémi Fraisse est tué. Les forces de l'ordre utilisaient alors et continuent d'utiliser des armes de guerre. Des armes faites pour tuer. Comme à Nantes. Comme à Rennes. Comme à Paris. Au lendemain de la mort de Rémi Fraisse, le pouvoir socialiste ordonna des assauts très violents contre les manifestants venus demander des comptes. C'est ça la réalité de l'État français. Un État aux abois, qui mord ses vrais opposants avec une rage pathologique. Un État dans lequel manifester est devenu périlleux. Moins d'une semaine après la mort de Rémi Fraisse, un étudiant nantais était frappé d'une balle en caoutchouc en plein visage. Comme en Palestine. La classe politico-médiatique n'y trouva rien à redire. Une commission parlementaire fut bien mise en place pour étudier cette violence d'exception, mais elle écarta de son audit tout ce qui n'appartenait pas à l'appareil répressif de l'État, pour livrer des conclusions ahurissantes le 28 mai 2015 : l'arrestation préventive des individus considérés comme "suspects", sans que l'on sache quoi mettre derrière ce vocable... Voilà qui rappelle les Lois scélérates du XIXe siècle ! Le Pouvoir socialiste parachevait ainsi l'avènement de l'État policier. On sait désormais que l'on peut tuer des manifestants sans provoquer le moindre remous. Les médias y veillent. Pas une ligne sur la militarisation des forces de l'ordre. Alors Pierre Douillard-Lefevre a enquêté. Le flash-ball ? Une arme de la famille du Rubber-Bullet utilisé en Irlande du Nord par l'armée britannique ! La marque est déposée à Saint-Étienne. D'abord réservé aux situations extrêmes, le flash-ball a commencé par équiper la BAC de Mantes-la-Jolie. Dès 1998, un père de famille perdait un œil. Il s'appelait Alexis Ali. L'arme est redoutable : un fusil d'épaule d'une portée de cinquante mètres, à canon rayé et viseur holographique. Développé par Eotech, dans le cadre de l'ingénierie militaire. En 2008, lors des émeutes de Villiers-le-Bel, on décida de le diffuser massivement dans les rangs de la police, alors qu'il était classé dans la catégorie A : "arme à feu à usage militaire". Potentiellement létale. Incontournable désormais dans les manifestations. Sa précision est légendaire : impossible de toucher quelqu'un sans l'avoir visé. En 2012, deux mille quatre cent quatre-vingt-cinq LBD 40 étaient en service. Depuis, la courbe de sa mise en circulation est devenue exponentielle. Du coup, les tirs au visage se sont multipliés. En 2010, Mostefa Ziani meurt après avoir été touché au niveau du cœur par un projectile tiré par un LBD 40. Quarante plaintes ont été déposées entre 2007 et 2015 à l'encontre de son usage. Seuls deux policiers ont été suspendus. Pour épauler le LBD 40, les grenades offensives, qui contiennent soixante-seize grammes de TNT. Arme d'exception là encore, militaire, dont l'usage est théoriquement encadré. Mais à Marseille, en 2010, un homme en est mort. En 2011, un adolescent de dix-sept ans perdait un œil à la suite de la projection de bouts de métal provenant de l'une de ces grenades jetées dans la foule. À Corbeil, une fillette de neuf ans, en juin 2011, fut touchée indirectement par ce projectile. Trois semaines de coma, pronostic vital engagé. Elle en porte désormais les séquelles à vie. Chaque année, des milliers de ces grenades sont utilisées en France. Avec des conséquences dramatiques, redessinant le paysage français des gueules cassées. Mains arrachées, yeux éclatés, crânes perforés... Nous sommes dans une logique de guerre. La doctrine de répression des manifestations est aujourd'hui en France celle d'une logique de guerre. La France est même devenue en quelques années la championne du monde de la répression civile. Partout on lui envie son savoir. Il est vrai constitué au temps de la Guerre d'Algérie et qui lui a valu d'asseoir depuis son expertise auprès des pires dictatures, de Pinochet à Ben Ali, en passant par la Turquie d'Erdoğan. Partout dans le monde la France a livré les moyens militaires et les stratégies policières aptes à faire et gagner ces guerres de basse intensité contre les populations civiles. Des populations vouées au massacre policier. En France, plus le corps des policiers est sanctuarisé, inviolable, invincible, plus celui des manifestants est déshumanisé. Nassé, gazé, estropié. Mutiler ceux qui se dressent sur le chemin de la police est devenu la norme. En France il est devenu égal de mettre en joue des manifestants. Le tir tendu est devenu une habitude. Les stratégies d'encerclement, d'encagement, de saturation en gaz sont devenues coutumières. La répression des mouvements populaires y est féroce. Sauvage. Sans doute parce que la fabrique du consentement a échoué et que la classe politico-médiatique sait qu'elle ne peut plus compter sur sa légitimité : il lui faut maintenant conserver le pouvoir à n'importe quel prix. C'est pourquoi dès 2012 les socialistes décidaient de généraliser l'emploi du LBD 40 : "À ceux qui avaient tout trahi, il ne restait que la police"...

Citation

Ceux qui gouvernent la France ont acquis une nouvelle expertise : celle de faire accepter le meurtre d'un opposant.

Rédacteur: Joël Jégouzo jeudi 15 mars 2018
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