La Balade des enfants meurtriers : l'affaire James Burger

À 5 heures du matin, on repérait facilement quelles maisons étaient habitées par des Anglais. Aucun signe de vie à l'intérieur. Aucune obligation de se lever avant au moins deux heures.
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Essai - Policier

La Balade des enfants meurtriers : l'affaire James Burger

Social - Enquête littéraire - Assassinat - Faits divers MAJ vendredi 04 août 2017

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit



Prix: 13,5 €

Gitta Sereny
Re-examining the Evidence; Approaching the Truth - 1994
Préface de Sibylle Grimbert
Postface de Florent Georgesco
Traduit de l'anglais par Florent Georgesco, Sibylle Grimbert
Paris : Plein jour, mars 2017
128 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-37067-029-8

Baby Blues

Gitta Sereny (1921-2012) était une journaliste et écrivain qui s'est penchée avec attention, si ce n'est avec obsession, sur la conscience du Mal. Elle s'est intéressée d'abord aux horreurs du nazisme avec Au fond des ténèbres - Un bourreau parle : Franz Stangl, commandant de Treblinka, Albert Speer - Son combat avec la vérité et Dans l'ombre du Reich - Enquête sur le traumatisme allemand de 1938 à 2001. Elle a ensuite rencontré le succès avec Meurtrière à onze ans - Le Cas de Mary Bell qu'elle réactualisa ensuite (Une si jolie petite fille - Les Crimes de Mary Bell). Dans cet ouvrage, après avoir donné la parole aux bourreaux du nazisme, elle entend tracer de nouvelles pistes sur la conscience effective de l'acte criminel. Cet acte monstrueux d'ôter la vie à un être humain et innocent, n'est-il pas plutôt le résultat d'une déviance de la société et de la politique ? Mary Bell, onze ans, livrée à elle-même dans un quartier en déshérence de Newcastle, aurait-elle tué et violenté deux gamins si elle avait été prise en charge par une famille "normale" et des services sociaux compétents ? (Lire sa fiche Wikipedia qui résume bien le tragique de l'affaire.)
Bien des années plus tard, Gitta Sereny repose exactement les mêmes questions. Alors qu'elle a soixante-treize ans, elle est bouleversée par un crime atroce : en 1993, à Liverpool (autre ville au passé industriel sinistré), deux garçons de dix ans, Jonathan Venables et Robert Thompson, enlèvent un autre petit garçon de trois ans, James Bulger, qui s'était écarté de sa mère dans une galerie commerciale. La petite victime sera retrouvée deux jours plus tard, déshabillée, mutilée et coupée en deux, post mortem, par un train. Quand les caméras de surveillance de la galerie commerciale révèlent leurs images relayées par les tabloïds, c'est l'horreur : des gamins ne peuvent avoir commis cet acte atroce ! Un an plus tard, le 6 puis le 13 février 1994, Gitta Sereny publie, en deux parties, son enquête sur l'affaire (Re-examining the Evidence et Approaching the Truth) dans The Independant on Sunday. Ce sont ces textes qui sont traduits aujourd'hui par les éditions Plein Jour en partenariat avec The Independent Newspapers.
Gitta Sereny a assisté au procès des enfants et a rencontré les familles. Dès le début de son ouvrage, elle pose la première question : "Quelle est l'efficacité de notre système judiciaire vis-à-vis des enfants criminels ? La Grande-Bretagne est le seul pays d'Europe de l'Ouest où des enfants de dix ans (huit ans en Écosse) peuvent être pénalement responsables et où, dans le cas de crimes, ils sont jugés par un juge et un jury comme des adultes." Ainsi, les psychiatres nommés sont interdits d'intervention thérapeutique avant le procès. Ils doivent juste établir si, avant et pendant le meurtre, "les enfants étaient capables de distinguer le bien du mal, et s'ils étaient mentalement responsables au moment des faits". Autant dire qu'il y a impasse sur la situation familiale et sociale. Grâce aux excellents prologue et épilogue de Sybille Grimbert et Florent Georgesco, on apprend, que cette situation a changé.
Par petites touches, Gitta Sereny nous livre son enquête auprès des familles, des policiers, des enseignants et des acteurs sociaux. Jonathan Venables a un frère aîné et une sœur cadette mentalement déficients, lui-même est victime de crises qui le conduisent à se frapper la tête contre les murs de l'école et de la maison. Ses parents jouent avec les allocations, la mère semble hystérique, le père inexistant. Robert Thompson, lui, est l'un des sept fils d'une mère célibataire et alcoolique. Les sept frères constituent un clan, lui-même subdivisé en sous-clans par âge. Les aînés tiennent les plus jeunes dont Robert.
Lors du récit du procès, Gitta Sereny détaille les gestes inconscients que répète le petit Robert avec sa bouche et ses doigts. Elle ne se lance dans aucune interprétation, au lecteur de le faire. Et force est de conclure que l'enfant a dû subir des agressions sexuelles de la part de ses frères aînés. Gitta Sereny procède ainsi : elle ne donne aucun jugement de valeur. Quand elle rencontre les parents rien ne laisse penser que ce sont des cas sociaux. Mais quand elle rapporte le nombre incroyable de journées scolaires, en école primaire, séchées sur un mois, les convocations et les réunions de parents auxquelles les familles ne se rendent pas, elle dessine en creux un profil sinistré qui se reflète aussi sur celui des institutions débordées par le manque de moyens. Résultat : loin de céder à la colère populiste qui lyncherait ces petits monstres en tant que tels, Gitta Sereny et son journal éditeur, ont eu le courage d'offrir une vision élargie sur les responsabilités. La lecture de son ouvrage, bien que très glauque (elle livre, par bribes, des éléments insoutenables dont un probable viol de l'enfant avec des piles et une manipulation de son sexe) permet donc de traiter autrement cette incroyable affaire criminelle.
Mais si la (timide) divulgation de ces détails même, le refus d'interprétation ou d'accusation franches, l'atermoiement sont à saluer dans l'absolu, ils n'en constituent pas moins une barrière gênante qu'on aimerait franchir.

Citation

Je pense en fait que le juge Morland poursuivait un but précis en abordant le sujet des vidéos à domicile : il voulait nous rappeler que les enfants sont malléables et influençables, particulièrement par les films.

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 04 août 2017
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