Sois belle et t'es toi !

Ils avaient assisté, fascinés, à l'arrivée de la voiture, qui s'était livrée d'elle-même chez eux et s'était garée dans l'allée. Sentant le malaise et la réticence de Claire, Ben l'avait assurée que n'importe qui était capable de l'utiliser, même elle, que c'était vraiment une 'voiture pour les nuls'.
John Marrs - Les Passagers
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

mercredi 24 avril

Contenu

Roman - Noir

Sois belle et t'es toi !

Social - Arnaque MAJ jeudi 23 juin 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Jérémy Bouquin
Paris : Lajouanie, mai 2016
208 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-37047-070-6

L'inspecteur a de gros nichons

Samuel Fox est enquêteur pour un cabinet d'assurance. Avant il était flic. Il n'a pas pu le rester. Pas à cause des truands mais à cause de ses collègues. Des rumeurs circulaient sur son compte. Comme quoi il n'était pas tout à fait un homme. Un truc dérange chez Sam. Il a pourtant un corps d'homme mais... il y a une fêlure. Et "fêlure" c'est un mot féminin. Pas vraiment le genre de la police malgré l'évolution des mœurs. Sam c'est peut être bien un trav'. Le mec qui passe une robe dès qu'il est peinard chez lui pour se tripoter ou faire monter un micheton. En tout cas, c'est sûrement une fiotte. Sam, il s'est tapé pas mal de gonzesses pourtant. Et ça ne lui déplaisait pas. Il a même pris du plaisir. Mais maintenant c'est fini, il ne peut plus. Les femmes ne le dérangent pas. C'est avec son corps qu'il a un problème. Depuis toujours. Seulement, il ne peut plus, ne veut plus faire semblant... d'être un homme. Sam est une femme enfermée dans un corps d'homme. Un cauchemar. Un cauchemar auquel il a décidé de mettre fin. Sam prend des médocs, des pilules, des hormones pour changer son corps. Ses seins ont poussé. Bientôt, il se fera opérer, couper la bite, aura un vrai sexe de femme, se fera appeler Samantha. Son directeur lui donne rendez-vous dans un bar plutôt qu'au bureau. Faut pas gêner les collègues... toujours eux. Les autres. Ceux qui sont normaux. Bien dans leur corps, bien dans leurs vies. Tu parles ! Sam est fatigué. N'a plus d'ami à part Tabatha, un vrai trav' celui-là, content d'avoir une trompe entre les jambes et de s'en servir. Il lui fournit ses médocs. Puis du shit, de la beuh, des calmants, des somnifères. Sam n'a pas de famille non plus. Sa mère, la seule qui le comprenait, acceptait le petit garçon raté qui voulait s'habiller en princesse, est morte quand il avait quatorze piges. Son père ne lui parle plus, ne veut plus le voir. C'est réciproque. Alors Sam accepte la mission que lui confie le dirlo. Aller prendre l'air du côté de la Corrèze. Là, il y a un vieux qui tient une sorte de resto-bar pour routiers, un truc retiré, connu uniquement des habitués. Depuis quelques temps les déclarations à l'assureur se multiplient. Trop. Le vieux serait victime de malfaisants qui lui vandalisent son bien. Sam doit vérifier que ce n'est pas une arnaque, une tentative pour récupérer du pognon...

J'aime de plus en plus les parutions des éditions Lajouanie. Les frontières du roman policier sont sans cesse repoussées. Bien sûr, pour les puristes, ceux qui aiment la pluie sur le pavé, le flic à l'imperméable et l'odeur du tabac froid, je comprends qu'on ne soit pas client. Mais personnellement, et Dieu (lequel ?) sait que je kiffe le polar, je trouve ça vraiment intéressant que les codes du genre soient bousculés le temps d'une histoire pour nous emmener ailleurs, nous proposer autre chose : une vision de la société actuelle, une confrontation des cultures, un mal être humain. Il y a toujours un crime, une enquête, une intrigue, mais pas que... (je suis obligé de la faire celle-là). Avec Sois belle et t'es toi !, Jérémy Bouquin réussit ce qui est à mon avis un tour de force assez impressionnant : il captive l'intérêt du lecteur de polar en reléguant la trame policière au rang d'accessoire. Et pourtant, croyez-moi, non seulement on n'est absolument pas frustré, mais en plus on ne lâche pas le bouquin (celle-là aussi je suis obligé de la faire. Ne croyez pas que ça m'amuse... Si, bien sûr, ça m'amuse.) Samuel Fox a toute notre attention. Le sujet c'est lui. On le suit, on apprend son passé, quelles ont été ses difficultés, son parcours, pour l'accompagner le temps de la période de transition entre sa vie d'avant et ce qui va bientôt être son existence. Mais aussi bien évidemment période de transition où son corps d'homme devient corps de femme. Donc on le découvre, comme il se découvre. On se pose les questions qu'il se pose. On suit son cheminement physique, son acceptation, son trouble des changements de son corps, son regard sur lui et sur les autres, le regard des autres sur lui, mais aussi son cheminement psychologique, et l'enseignement qu'il reçoit et tire de lui-même, au milieu des angoisses et des peurs, pour pourvoir réussir à s'assumer tel qu'il est en train de le devenir, et qui en fait devenir ce qu'il est. Ou, en l'occurrence, ce qu'elle est. Ses envies, ses rejets, ses douleurs, ses joies, toutes les émotions du personnage sont traitées. En fait, on suit un homme qui porte son propre accouchement et qui donne peu à peu naissance à une femme. C'est très troublant et en même temps passionnant. Et c'est là que l'enquête devient primordiale. Parce que tout en n'étant pas la première des préoccupations du personnage étant donné ce qu'il est en train de vivre, elle est on ne plus nécessaire. D'abord pour le personnage. Parce que sinon il n'a aucune échappatoire et face à lui-même il devient fou. Et ensuite pour les lecteurs. Parce que sinon le roman est indigeste et on demande à l'auteur de devenir réalisateur de reportages pour TF1. Jérémy Bouquin a un vrai style. Un vrai univers. Des thèmes récurrents comme la prise de drogues (tolérées ou non, vendues ou pas en pharmacie) pour échapper à un état quotidien, pour s'échapper de soi, de ce qu'on est, je dirais même (pour faire un pied de nez) pour muer. Mais c'est surtout un auteur malin. Son précédent roman À mort le chat avait déjà été publié chez Lajouanie. Le style était beaucoup plus cash, plus violent, plus dérangeant parce qu'il en avait besoin pour habiller son histoire. Il voulait nous emmener à l'overdose. Là, il est toujours direct et sans concession, mais l'originalité de son sujet se suffit à lui-même donc le traitement est beaucoup plus classique. Et c'est ce qu'il fallait faire dans les deux cas.
Personnellement, j'ai découvert en le lisant que le politiquement correct est parfaitement acceptable... quand il est absent. Ça tombe bien, dans ses romans, il n'y en a pas ! C'est un auteur que je vous encourage vraiment à découvrir car il est atypique et ses histoires sont de véritables bonnes surprises. Comme quand on embrasse une fille pour la première fois, qu'on s'attend à un baiser un peu soft et que l'on se retrouve directement avec sa langue dans notre bouche. Passé l'état de choc, on a très envie que ça recommence. Vous voyez ?

Citation

Je suis ailleurs. Encore. Le temps passe à la vitesse de la lumière, flash. Il est sept heures en une fraction de seconde. Je suis toujours assis... assise. Je ne sais plus. Je me vois sur le lit. Hébétée. Putain... je bande encore ! Ma queue est redressée, ma culotte en dentelle est tendue. Mon corps m'échappe.

Rédacteur: François Legay jeudi 23 juin 2016
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page