De mieux en mieux

Franchement, moi, j'ai honte de faire partie de l'espèce humaine. Ce que j'aurais voulu, c'est être un oiseau de proie, les ailes démesurées, voler au dessus de ce monde avec l'indifférence des puissants. Un poisson des abysses, quelque chose de monstrueux, inconnu des plus profonds chaluts. Un insecte, à peine visible. Tout sauf homo sapiens. Tout sauf ce primate au cerveau hypertrophié dont l'évolution aurait mieux fait de se passer. Tout sauf le responsable de la sixième crise d'extinction qu'aura connue cette pauvre planète. Parce que l'histoire des hommes, c'est surtout ça. L'histoire des hommes, c'est l'histoire d'une défaunation à grande échelle, des deuils animaux à n'en plus finir.
Colin Niel - Entre fauves
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

samedi 20 avril

Contenu

Nouvelle - Noir

De mieux en mieux

Social - Urbain MAJ lundi 13 avril 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

À partir de 12 ans

Prix: 10,5 €

Christophe Léon
Paris : Thierry Magnier, mars 2015
176 p. ; illustrations en noir & blanc ; 16 x 14 cm
ISBN 978-2-36474-657-2
Coll. "Nouvelles"

Kaléidoscope urbain

Onze histoires, onze vies, onze personnages, mais deux points communs : la cité Nelson Mandela, une Z.U.S. (Zone Urbaine Sensible) abandonnée par les autorités et les dieux des différentes communautés qui l'habitent, et une conscience aigüe d'être mis au ban de la société pour des raisons qu'ils ne comprennent pas toujours. Les éditions Thierry Magnier nous y ont habitués, et ce recueil de nouvelles ne fait pas exception à la règle : voici la réalité crue de notre société qui nous est lancée au visage. Vous ne pourrez pas dire que vous ne savez pas – si tant est que vous parveniez encore à faire comme si de rien n'était.
Christophe Léon fait se croiser les destins de différents acteurs de la vie de la cité : une enseignante dans le collège de la cité, qui se souvient les bons jours pourquoi elle a demandé puis accepté ce poste difficile dans ce collège tout aussi difficile face à des élèves pour le moins difficiles ; une jeune fille fan de Lady Gaga et qui n'a d'autre ambition que de rouler "plus tard" en limousine ; un jeune homme secrètement amoureux de sa voisine et rendu incapable, en raison de la réputation de la cité et du comportement de certains de ses habitants, de lui venir en aide alors même qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort... Tous alternent entre volonté de réussir, de poursuivre leurs rêves et leurs objectifs, et réalité : comment peuvent-ils réellement espérer faire bouger les choses à leur petit niveau ? Et tous ont bien conscience que la réputation qui leur colle à la peau n'est pas totalement usurpée, même si grandement amplifiée par les médias, les politiques et certains crétins qui l'habitent, sans pourtant l'accepter comme un état de fait. Non la violence n'est pas l'arme de tous les jeunes ; non, le découragement ne touche pas tous les animateurs de quartiers et les bonnes volontés ; non, l'entraide, la solidarité, la camaraderie, l'amour ne sont pas absents de ces banlieues populaires dénigrées (au contraire ?). Et non, ce n'est pas en acceptant comme des faits avérés des a priori et des fantasmes de dangerosité que tout un chacun peut désenclaver ces cités, ou en pensant que les seuls responsables sont leurs habitants. Nous avons tous un rôle à jouer, et même s'il parait bien anecdotique, chaque pierre apportée à l'édifice est à saluer.
Christophe Léon nous parle de cette jungle qu'est la cité Nelson Mandela (nom ô combien ! symbolique, et seule leurs utilisations politiques récentes m'empêchent d'utiliser les termes d'"apartheid social" ou de "ghettoïsation"), mais aussi de tous les rayons de soleil qui l'éclairent chaque jour et sont d'autant plus visibles qu'en effet ils adviennent dans un environnement bien sombre. Pas de jugement, juste des clichés (photographiques) pris sur le vif, détaillés mais pas expliqués, des incursions furtives dans un univers qui nous est peu (pas ?) familier. On ressort de cette lecture avec une approche nouvelle, une vision plus large et probablement plus complète de ces "cités". Non, elles ne sont pas peuplées uniquement de "créatures étranges", parfois génies (et ces destins d'exception deviennent des emblèmes, des symboles de cette "intégration réussie" ou des figures de la "discrimination positive" parfois malgré eux), parfois délinquants particulièrement dangereux. Y vivent aussi (et surtout) des individus, des familles qui chaque jour font de leur mieux pour vivre, survivre et s'en sortir.
De quoi apporter aux jeunes lecteurs issus de ces quartiers dits difficiles des billes pour continuer à s'accrocher (et refuser de devenir ceux que "l'extérieur" pense qu'ils deviendront immanquablement), à ceux qui n'y vivent pas une grille de lecture pour ne pas les juger (faute de vraiment pouvoir les comprendre), et à tous une ouverture d'esprit nécessaire pour appréhender ce qui est devenu un phénomène de société : les banlieues.

NdR - Le recueil comporte les nouvelles suivantes : "De mieux en mieux", "Lady Gaga", "Collège Mandela", "Un heureux événement", "Honecker", "Une bouffée d'oxygène", "Du côté obscur de la farce", "Petite Marie", Missionnaires, "Boloss" & "Planète Scnalra".

Citation

On va au bahut, on n'a pas redoublé de classe, on a de bonnes notes et on fera partie des 80 % de cloches qui auront le bac en primeur. Mais le hic, c'est qu'on vit dans la cité et que nous sommes des délinquants virtuels – c'est gravé malgré nous dans notre subconscient -, surtout quand on détale comme des lapins le jour de l'ouverture de la chasse.

Rédacteur: Catherine Thiéry vendredi 10 avril 2015
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page