Cry Father

Ce pourrait être un retour à la case départ, se dit-il ce matin. Un retour dans cette région qu'il aurait préféré ne jamais quitter. Mais le passé a fait de lui, Mathias Grewicz, le môme qui, comme Elia, rêvait de devenir gardien de troupeau, quelqu'un que l'envie, le besoin d'éliminer les assassins et leurs complices tenaille.
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vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Noir

Cry Father

Ethnologique - Social - Drogue MAJ jeudi 02 avril 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16,5 €

Benjamin Whitmer
Cry Father - 2014
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacques Mailhos
Paris : Gallmeister, mars 2015
318 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-35178-089-3
Coll. "Neonoir"

Tuer le père

Les héros de Benjamin Whitmer semblent avoir un problème récurent avec la paternité. Ils aiment bien fuir leurs responsabilités, et trouver le courage de les affronter uniquement lorsqu'il est trop tard et que tout part en couilles. Somme toute, l'histoire du serpent qui se les mord (révisez vos cours de sciences naturelles, c'est possible puisqu'il s'agit de fiction et que la logique n'a strictement rien à y voir). Pike avait déjà mis en évidence cette obsession du romancier, Cry Father la pousse en abyme puisque ce coup-ci les trois protagonistes mâles dans leur peau de cette histoire y sont sujets.
Du côté de Denver, non loin de la San Luis Valley, Patterson Wells broie du noir et élague des arbres. Il ne se remet pas de la mort de son fils Justin, se sentant blessé et trahi par un médecin qui a fait le mauvais pronostic. Pire : il a foutu sa vie en l'air en abandonnant sa compagne. Il vit reclus dans une cabane en haut d'une colline. Là viennent le voir diverses personnes qui l'aiment beaucoup et le haïssent un peu. Plus bas, son meilleur ami, Henry, éclopé de la vie, qui traine un rejeton qui traine une rancœur tenace. Junior est le nœud gordien de cette intrigue. Il est également le glaive qui va le pourfendre. Petit dealer convoyeur de drogue (il fait de multiples voyages entre le Mexique et les États-Unis), il a le mauvais œil. L'expression lui colle à la peau car l'un de ses yeux qu'il cache derrière un bandeau exsude du pus, et il sème le malheur sur son passage. C'est le premier tour de force de Benjamin Whitmer. Il ne propose pas un mais deux personnages principaux qui s'attirent et se repoussent avec beaucoup de violence comme si dès le départ l'un savait que l'autre allait le tuer.
Cette histoire d'amours contrariées met en avant l'isolement et l'égoïsme des protagonistes qui vivent dans un monde de désespoir. Le romancier les force à cohabiter dans un espace pollué dans tous les sens du terme (près de décharges pour les femmes et leurs gosses avec de l'eau polluée qui coule des robinets ; à l'écart pour les hommes esseulés). Ils sont à la fois petits et grands. Ils boivent, se droguent, espèrent et désespèrent. Alors ils foutent tout en l'air. Et dans un pays qui autorise le port d'armes, tout foutre en l'air a quelque chose de véritablement irrémédiable. Seul des trois, Henry a réussi à s'en sortir (plus ou moins honorablement), mais si Patterson en a conscience, Junior le hait pour tout ce qu'il a fait par le passé. Tout est question de paternité, nous l'avons déjà écrit, et pour qui a des bases mêmes minimes de psychologie à deux balles (de .45), tout se résume à tuer le père. Et Junior, tout au long de ces trois cents pages très rythmées (soixante-six chapitres aérés du témoignage écrit de Patterson à son fils mort), n'a de cesse que de vouloir la mort de son père en d'affreuses douleurs (si possible en lui pétant les rotules et la gueule, en l'énucléant et en lui explosant finalement la tronche). Et c'est le second point fort de Benjamin Whitmer : la violence intérieure de ses personnages qui nous explosent en pleine figure.
Benjamin Whitmer multiplie les épisodes d'une noirceur drolatique dans un paysage où ses personnages, tous plus marqués (à la culotte) les uns que les autres, se donnent rendez-vous pour finalement se manquer jusqu'à un final où personne ne se manque (et là on se dit que c'est bien dommage pour certains d'entre eux). C'est tristement jouissif, et il y a plein de petits détails qui nous ancrent dans une réalité comme si tout était vrai, moche et sombre. Et l'on comprend mieux que l'auteur ait ri de ce qu'il écrivait, pensant aboutir au pire scénario que pourrait réaliser Sam Peckinpah.

Citation

La liste des choses qu'un homme de l'âge de Patterson devrait s'abstenir de faire est longue, et sortir des armes à feu pour les braquer sur des Mexicains dans leurs propres bars y tient probablement une place de choix. Mais il y a des moments où les événements se liguent contre vous.

Rédacteur: Julien Védrenne jeudi 02 avril 2015
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