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La Disparue d'Angel Court
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Florence Bertrand
Paris : 10-18, mars 2015
364 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 978-2-264-06503-2
Coll. "Grand format"
30e enquête de Thomas Pitt
Qu'est-ce que la foi et qu'est-ce qu'une religion ? Comment est-elle vécue par les individus et comment s'intègre-t-elle dans une communauté ? La remise en cause d'un dogme n'est-elle pas la remise en cause d'un type de société ? Pour la trentième enquête de Thomas Pitt, Anne Perry bâtit une intrigue remarquable mêlant religion, politique, finances et... vengeance. Un tout... diabolique !
Sofia Delacruz, une anglaise est mariée à un Espagnol. Pour certains, elle est une sainte, pour d'autres elle blasphème. Compte-tenu des tensions diplomatiques entre le Royaume-Uni et l'Espagne, Thomas Pitt est chargé, contre son gré, d'assurer sa protection pendant son séjour à Londres. Il rencontre ceux qui l'entourent, des apôtres qui entretiennent des relations diverses, ambiguës, voire difficiles entre eux ou par rapport à une hiérarchie implicite. Mais, Pitt trouve en Sofia une jeune femme décidée, qui a conscience des réactions hostiles que sa foi suscite et des situations qu'elle provoque.
Charlotte est curieuse, ainsi que Jemima, leur fille, de connaître les idées religieuses qu'elle prône. Malgré quelques emportements, la réunion se passe bien.
Pitt confie à Brundage la protection de Sofia pour la nuit. Aussi, quant au matin il apprend qu'elle a disparu d'Angel Court avec deux disciples, il veut croire à un départ volontaire, d'autant que personne n'a rien vu ni entendu, et qu'il n'y a pas de signes de violences.
Interrogeant ses proches il ressort qu'elle venait, également, pour rencontrer son cousin, Barton Hall, le seul membre de la famille qui lui reste. Peu à peu, il apparaît que cette entrevue était urgente, importante et même la principale raison de sa venue en Angleterre. Pitt rencontre ce cousin qui dit tout ignorer du motif de cette rencontre et des intentions de sa cousine. Il est même réticent à la retrouver compte-tenu de sa position de banquier et de membre influent de l'Église anglicane. Il évoque, sans les citer, des faits scandaleux qui ont accompagné son départ et les débuts de son séjour en Espagne.
Les événements prennent un tour dramatique quand Thomas et Brundage découvrent, dans une maison qui appartient à Barton Hall, les cadavres suppliciés des deux femmes parties avec Sofia. Arrive une lettre lourde de menaces mettant en cause la sincérité de la jeune femme et exigeant que son mari, resté en Espagne, fasse des déclarations contraires à la réalité...
L'auteur, dans ce roman au scénario subtil, s'interroge et interroge son lecteur sur la foi religieuse, sur la remise en cause des acquis d'une religion séculaire, sur son poids dans la structuration sociale et sur les conséquences d'une éventuelle remise en cause. Mais, toute religion aujourd'hui établie n'a-t-elle pas commencé à déranger nombre de croyances lors de son installation ? La religion chrétienne n'a-t-elle pas, à ses débuts, été rejetée, ses fidèles pourchassés, assassinés car les idées nouvelles dérangeaient d'autres modes de sociétés, d'autres conceptions spirituelles ? La mise en place de la religion anglicane n'a pas été sans excès de la part des différents bords.
La remise en cause d'une croyance est-elle la remise en cause d'un type de société ? Sofia Delacruz sape-t-elle les fondations de l'Église et par ricochet celles de la Couronne ?
Avec la religion, Anne Perry intègre la finance et son corollaire, la politique politicienne, l'ambition et la vengeance. Elle développe, ainsi, des différents volets, les liant de façon attractive, avançant les arguments des uns et des autres, les actions et les péripéties avec une grande habilité. Elle rattache nombre des données de son récit à des situations, des événements très actuels, en particulier ces guerres religieuses qui masquent mal l'avidité du pouvoir, à quelque degrés qu'il soit. Elle sous-tend, sous-entend, passe d'interrogations religieuses à des questionnements éducatifs et familiaux, évoque, par exemple, la puissance de la "foi" avec la figure de Thomas Cranmer et ses volte-face.
Avec son couple de héros, elle brosse une chronique familiale riche, abordant toutes les composantes qui la structure. Thomas Pitt est emblématique, à la fois d'une institution qui se crée, de ses intrusions dans la vie des "gentlemen" et d'une époque florissante en matière d'évolutions, de bouleversements et de mutations. Ce personnage présente moult intérêts. Il est sympathique, doté d'une certains sens de l'humour, mais possède des défauts, des lubies. Chaque enquête, qu'elle soit couronnée de succès ou qu'elle soit un échec accroît son expérience. Il change au fil du temps, il vieillit et mûrit, bouge avec son environnement. Il évolue, également, dans son cadre professionnel. D'enquêteur, il passe, par la force des choses, à la Special Branch, une institution plus discrète, en charge de la sécurité de la nation. Il est confronté, alors, à de nouveaux cas de conscience, étant devenu juge et juré, devant prendre des décisions quant au devenir des criminels qu'il a démasqués.
Anne Perry, avec ce couple, réussit une superbe série toujours passionnante, tant par les milieux où elle place ses histoires, les intrigues finement ciselées et les galeries de personnages remarquables, d'une grande véracité. L'auteur, et c'est une bonne nouvelle, n'en n'a pas fini avec son couple de héros et promet de bien belles heures de lectures à venir.
Citation
Ses idées sont absurdes, mais aussi profondément insultantes pour ceux qui sont attachés aux enseignements d'un culte vieux de deux mille ans qui a survécu aux épreuves et au passage du temps !