L'Affaire Pollet : à l'origine des Brigades du Tigre

Le tube de rouge git sur le sol. Elle le met dans un sac en plastique qu'elle donnera plus tard au housekeeping. Objets trouvés. Elle doute fort que l'auteure de ces mots d'amour ait envie de récupérer l'instrument de sa colère, mais sait-on jamais. Elle en a vu d'autres et des plus saugrenus.
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Essai - Policier

L'Affaire Pollet : à l'origine des Brigades du Tigre

Faits divers MAJ mercredi 04 mars 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,9 €

Jacques Messiant
Rennes : Ouest-France, janvier 2015
336 p. ; illustrations en noir & blanc ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7373-6549-2

Aux voleurs :

La Bande d'Abel Pollet écuma les environs de Hazebrouck entre 1898 et 1906, année où le triple meurtre de Violaines provoqua le coup de filet final grâce à la dénonciation du beau-frère de Pollet. Quatre têtes tombèrent dont celles des frères Pollet : Abel et Auguste.
Parallèlement, parmi la Bande des Chauffeurs de la Drôme (appelés ainsi non parce qu'ils conduisaient mais parce qu'ils chauffaient les pieds de leurs victimes sur les braises des cheminées), les quatre principaux furent accusés de dix-huit assassinats entre 1905 et 1908 avant que trois d'entre eux soient jugés et décapités en 1908, le quatrième s'étant enfui. Ce sont ces deux affaires qui conduirent Clemenceau à créer les "Brigades du Tigre". Elles furent motorisées peu à peu surtout après les méfaits pétaradants de la Bande à Bonnot en 1910. La nouvelle organisation policière se déploya sur toute la France pour contrecarrer cette criminalité organisée au parfum d'anarchisme qui galopait à la faveur d'une instabilité sociale due à l'industrialisation et aux ouvriers exploités se regroupant en syndicats.
Jacques Messiant nous conte ici le parcours d'Abel Pollet, voleur depuis son plus jeune âge, organisateur de bande sachant soudoyer des complices, des receleurs et surtout des indicateurs pour les bons coups. Dix-sept personnes se retrouveront d'ailleurs dans le box des accusés. À cette époque, si on était vieux on avait forcément des économies. Si on avait le malheur de vendre une vache, un veau ou une récolte de betteraves et qu'on habitait dans une ferme isolée, on avait aussi de grandes chances de voir débarquer les malandrins, le visage barbouillé de noir, qui se saisissaient de ce qui leur tombait sous la main pour vous bombarder le crâne. L'auteur, pour appâter le lecteur, commence par la fin, c'est-à-dire l'exécution des quatre de la Bande, puis revient en arrière avec la découverte du triple meurtre de Violaines. Il remonte ensuite à la dénonciation, puis l'enquête et enfin le déroulement des meurtres. Ceux d'un vieux couple, les Lecoq, vivant avec leur solide et célibataire quinquagénaire de fille Euphrosine, tous trois défoncés à coups de tisonnier et de poêle pour avoir reconnu en Pollet un ouvrier ayant autrefois travaillé chez eux.
Qualifié de "roman" en quatrième de couverture, ce texte est une novelisation bien faite car s'appuyant sur une documentation solide avec des insertions peut-être un peu trop détaillées sur les fêtes locales. L'auteur choisit un parti pris étonnant : celui des coupables et non des enquêteurs. Il développe donc les contacts, les préparations, les attaques et le partage du butin avec les femmes convertissant en douce les gros billets dans les commerces et une scène fort drôle avec une voyante receleuse. Tout fait ventre, non seulement l'argent et les bijoux que Pollet sait débusquer dans les cachettes les plus vicieuses, mais aussi le vin, la nourriture, ou les vêtements. Très souvent, la bande fait bombance alors que les vieux agonisent dans leur mare de sang. Car il faut prendre des forces avant de s'en retourner au logis dans la nuit... La bande n'ayant pas de moyens de locomotion (sauf le train pour quelques affaires), elle n'hésite pas à faire plusieurs heures de marche. On voit se dessiner à travers cette fastidieuse succession d'attaques de vieux, une terrible peinture de société. Les banques n'ayant pas encore pris le pouvoir, l'argent était caché chez soi. Il y avait même des billets de mille frances (soit l'équivalent aujourd'hui de quatre mille euros !). Autant dire que chaque maison devenait un potentiel coffre-fort.
Jacques Messiant ne tombe jamais dans l'empathie mélodramatique pour les victimes, il laisse cela au discours du maire lors de l'enterrement des Lecoq, qu'il moque avec un peu de cynisme. Et c'est un peu le même ton lors des récits de attaques. La sauvagerie y est d'autant plus perceptible. Il escamote le procès qui fut long et fastidieux mais n'oublie pas de donner des indications sur la situation politique comme les grèves ou la séparation de l'Église et l'État. Il dresse avec malice une correspondance des prix de l'époque avec ceux que nous connaissons (cent vingt euros pour un costume pure laine ou un revolver, six cents euros une bicyclette). Le Président Fallière entendait abolir la peine de mort, mais y renonça après le scandale provoqué par la grâce de Solleilland, kidnappeur, violeur et dépeceur de la petite fille de sa voisine. La quadruple exécution de la Bande à Pollet fut donc un cadeau au peuple. Un cahier de photographies est inséré dans le livre. On trouve aussi facilement sur Internet des images de l'exécution et même celles des têtes soigneusement posées sur des tablettes, les unes à côté des autres, lors des examens et expériences menées tout de suite après la décapitation.

Citation

Mais ce qui intéressait la population au plus haut point, c'était dorénavant le passage - trop rare - des chefs de la bande et de leurs complices à la gare de Hazebrouck, où se pressaient les spectateurs. C'est ainsi que bon nombre d'entre eux prirent un billet de train à destination de Borre, qui ne leur coûtait que 30 centimes, pour avoir libre accès aux quais dans l'espoir de satisfaire leur curiosité.

Rédacteur: Michel Amelin mercredi 04 mars 2015
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