L'Homme noir

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vendredi 29 mars

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Roman - Noir

L'Homme noir

Social - Énigme MAJ lundi 02 mars 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 8 €

Luca Poldelmengo
L'Uomo nera - 2012
Traduit de l'italien par Patrick Vighetti
Paris : Rivages, février 2015
250 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2969-4
Coll. "Noir", 981

Civilisation au vernis craquelé

L'homme noir du titre ne fait pas référence à une couleur de peau, mais à une sorte de principe psychologique. Dans La Guerre des étoiles, on aurait dit : "Il est passé du côté obscur de la Force". Ici, c'est l'un des personnages qui, sous la pression des événements, a l'impression de se dédoubler pour laisser parler en lui ses instincts de meurtre. Mais il serait simpliste de laisser penser que la criminalité et la violence du monde sont sans raison, qu'elles ne sont que la somme des impulsions individuelles. Différents personnages, dont nous allons suivre les aventures, se partagent la vedette de ce roman et tous ont des raisons profondes pour agir ainsi qu'ils le font. Au centre de l'intrigue, la mort violente dans un accident de voiture de Fabiana, jeune directrice d'hôtel. Son mari, professeur de philosophie, dont elle fut l'élève, est bouleversé surtout lorsqu'il apprend qu'elle était enceinte - et sans doute de quelqu'un d'autre.
Autour de cette mort sordide, où très rapidement se pose la question de l'accident ou du crime, vont tournoyer les destins de plusieurs acteurs : Gabriele, le patron de Fabiana, homme cynique et qui cherche à faire un bon mariage, s'enrichissant en jouant les patrons moraux et paternalistes ; Marco, le frère de Fabiana, devenu par hasard inspecteur de police, plus par piston que par réelle volonté, et qui fait semblant de fonctionner, se contentant d'une présence au travail, ne rêvant que de voyages lointains, et notamment d'un séjour à l'île de Pâques. La mort de sa sœur est l'occasion pour lui de chercher à briller auprès de son père, ancien policier à la retraite, dont la statue et la stature sont autant d'ombre sur sa propre vie.
Face à ces "nantis", ces intégrés de la vie sociale italienne, se dresse le portrait de Filippo. C'est un homme de la base, qui a grandi dans les couches populaires de la société, qui est resté honnête, mais vivote. Il est heureux avec sa femme, émigrée de l'Est, et sa fille. Il a un petit boulot de chauffeur pour Gabriele et essaie de joindre les deux bouts. Mais une soirée un peu trop arrosée le plonge dans le chômage alors il surnage, et doit tout faire pour s'en sortir. La seule chose qui lui est proposée, c'est l'illégalité. Et cette solution, difficile mais raisonnable réveille en lui cet homme noir du titre.
Le roman va donc osciller sans cesse entre ces différents protagonistes, dans une construction intelligente qui fait tout le sel du roman. L'Homme noir est évoqué comme une tragédie, annoncée dès le départ : la scène de l'accident intervient au début puis est répétée au centre du roman. De même cette scène montre une jeune rom qui mime un pistolet avec ses doigts. La jeune femme qu'elle vise passe sur un scooter et est écrasée quelques instants plus tard, comme si la gitane lui avait jeté un sort. À la fin de l'ouvrage, la même rom va se trouver à devoir faire un nouveau choix, mais cette fois avec un véritable pistolet dans la main.
La première partie présente les différents acteurs qui peu à peu vont se centrer sur la mort de Fabiana, la seconde montre les bouleversements que cette mort provoque. L'Homme noir dévoile comment, quelque soit la position idéologique, le rôle social ou l'intégration dans la vie quotidienne, chacun réagit en fonction de ses affects, de ses envies propres, sans se soucier de la morale. Cet homme "primitif", "reptilien" qui s'éveille chez Filippo, qui renvoie peut-être aux indigènes de l'île de Pâques qui détruisirent leur propre écologie pour dresser les statues qui symbolisent à la fois leur grandeur et leur disparition stupide, n'est-il pas tapi, au fond du cœur des autres protagonistes de ce drame ?

Citation

La petit bohémienne lève brusquement son bras armé, comme pour mimer le recul du pistolet. Les corneilles quittent les lignes à haute tension.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 02 mars 2015
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