Cataract City

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mardi 23 avril

Contenu

Roman - Noir

Cataract City

Ethnologique - Social - Trafic MAJ jeudi 25 septembre 2014

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22,9 €

Craig Davidson
Cataract City - 2013
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Luc Piningre
Paris : Albin Michel, août 2014
484 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-226-25974-5
Coll. "Terres d'Amérique"

Destins brisés

On connait surtout Craig Davidson à travers l'adaptation cinématographique de Un goût de rouille et d'os réalisée par Jacques Audiard. Mais cette connaissance serait bien réductrice au regard de la puissance narrative qu'il déploie dans Cataract City, troisième roman traduit en français chez Albin Michel dans la très soignée collection "Terres d'Amérique".
L'auteur relate les destins brisés de trois ami(e)s d'une même ville, Niagara Falls, autrement appelée Cataract City. Cette ville, à la frontière entre le Canada et les États-Unis, est de celles qui marquent l'esprit par leur aspect rencogné et leurs habitants renfrognés. D'ailleurs, on ne sait pas trop si Duncan, Owen et Edwina sont inséparables car ils savent qu'ils ne peuvent s'échapper de la ville, où si leur amitié puissante et omniprésente est simplement née de leurs fortes personnalités. De ce triangle amical, Craig Davidson fait naitre logiquement un triangle amoureux aux rebondissements meurtris. Tout débute avec du rêve et des paillettes ou presque. Il y a cette course de voiture (des boites à savon revisitées par les pères plus ou moins tricheurs qui rêvent de gagner par procuration) qui débouche sur une haine rancunière et tenace qui aura pour aboutissement, plus de dix années après, l'un de ces destins brisés - la fin du rêve de basketteur génial et professionnel de Owen qui, après des dérives (surtout alcooliques), deviendra officier de police. Et puis il y a aussi ces parents qui en viennent aux mains dans la rue sous le regard effaré d'enfants qu'accompagne un lutteur de catch sur le déclin. Tout ceci conduit une première fois Duncan et Owen dans une forêt, dans le froid, la pluie et la nuit, au milieu d'animaux sauvages. Une première épopée du genre initiatique qui soude à jamais les deux jeunes enfants. Mais c'est aussi pour eux l'heure des premiers déchirements avec des parents qui les éloignent pour leur bien. Alors, ils vont se retrouver à des moments différents de leurs vies.
Craig Davidson dresse de magnifiques pages sur la société américaine. Il survole le catch, le base-ball, le basket, mais surtout il s'attarde sur les courses de lévriers comme seul auparavant avait su le faire le grand romancier William Riley Burnett dans Dark Hazard. La tonalité en est dantesque, et des deux lévriers découverts quasiment morts-nés dans une poubelle, l'une, Dolly, sera une fin racée imbattable jusqu'à ce moment où le destin la brise à son tour. Pour Duncan, ce sera l'inéluctable chute à la fois morale et sociale amplifiée par un licenciement de la seule usine de la ville et sa rencontre avec l'Indien Drinkwater, un homme de la pire bassesse, qui organise des combats (d'humains et de chiens) et qui dirige le trafic de cigarettes le long de la frontière. Mais Craig Davidson, à travers un roman choral à la chronologie bouleversée, offre une certaine rédemption à ses héros - Edwina aura le courage de fuir la ville alors que Duncan purge une peine de huit années de prison après son arrestation orchestrée par Owen. Tous se sentent coupables de quelque chose, et certains le sont plus que d'autres. Du pardon semble naitre la résurrection, de l'effort en commun semble renaître l'amitié. L'auteur nous propose un finale haletant et halluciné, sorte de retour en arrière, de retour en forêt, pour une course-poursuite à décoller les ongles des orteils d'une réalité saisissante. Et si les dernières pages sont ponctuées d'un espoir que d'aucuns jugeront vains, le rêve, la littérature romanesque et la beauté imaginaire en ressortent grandis.

Citation

J'ai pensé aux huit ans écoulés, aux nuits sans sommeil, aux terreurs sans commencement et sans fin ; j'ai pensé à Edwina parce que, de toute façon, je pense à elle sans arrêt ; j'ai pensé que la justice immanente était un concept mystérieux, qu'elle ne se vend pas, ne s'achète pas, mais parfois on aimerait que la grande roue cosmique s'arrête au bon endroit - faute de quoi il faut l'aider un peu. Je suis né à Cataract City, et on sait ce que c'est, la vengeance, ici. On paie ce qu'on doit, sinon on vous le fait payer.

Rédacteur: Julien Védrenne dimanche 07 septembre 2014
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