Homesman

Étrange société que celle où l'on rejette la notion d'intimité, de vie privée, de solitude. De déroutante manière, les gens en venaient à payer pour fliquer ou être fliqués, dans chaque aspect, à chaque seconde de leur vie. Nul besoin d'un pouvoir coercitif pour l'imposer. Tous le réclamaient, le mettaient en place. Aucune civilisation antérieure n'était parvenue à ce résultat sans provoquer de puissants mouvements de rejet, de résistance ou de rébellion.
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vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Western

Homesman

Ethnologique - Psychologique - Road Movie MAJ jeudi 12 juin 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 23,1 €

Glendon Swarthout
The Homesman - 1988
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laura Derajinski
Paris : Gallmeister, mai 2014
336 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-076-3

Conquête de l'âme

Theoline Belknap a tué son enfant à peine né. Hedda Petzke a failli à plusieurs reprises assassiner son mari. Gro Svendsen a été retrouvée sous son lit des cadavres de loups dans la chambre. Arabella Sours a vu tous ses enfants mourir de la diphtérie. Ces quatre femmes ont en commun d'avoir suivi leurs maris respectifs vers l'Ouest, à la conquête d'un Territoire - au milieu des Grandes Plaines et du XIXe siècle -, qui ne les a pas épargnées tant physiquement que psychologiquement. Elles ont perdu la raison soudainement, et c'est dans un fourgon, pieds et poings liés, qu'elle repartent vers la civilisation où de bonnes âmes vont se charger des leurs égarées. Prises en charge par Mary Bee Cudy, une femme énergique et tenace épaulé par Briggs, un voleur de concession qu'elle a sauvé in extremis de la pendaison, ces quatre femmes vont vivre un véritable road movie à travers des paysages désertiques, qui hébergent des arnaqueurs à grande échelle, des bandits de petits chemins, des Indiens en quête de chevaux, et des colons aux idéaux pas encore corrompus.

Ce roman de Glendon Swarthout avait déjà été publié en 1988 aux Presses de la Cité sous le titre Le Chariot des damnées, un titre imagé loin de celui originale en anglais mais qui résumait très justement l'intrigue concoctée par l'un des maitres du western américain. Pour Briggs, déserteur d'une compagnie de cavalerie de l'armée américaine, qui débute ce roman comme homme à tout faire (surtout les basses œuvres) d'un avocat véreux qui entend spolier les colons négligents du droit du sol, cette traversée va s'apparenter à une véritable quête à rebours de sa morale. Ces femmes et ce chariot vont être sa rédemption. En ce sens, le retour vers Hebron est tout symbolique. Surtout qu'en cours de route, après des passages hallucinants où dans la froideur de la nuit il est sujet aux attirances des unes et des autres, Mary Bee Cudy va se pendre, et qu'il va se retrouver tout seul avec quatre femmes sans défense qu'il serait très facile d'abandonner à leur propre sort. D'autant plus que parmi les affaires de Mary Bee, Briggs va découvrir l'argent qu'elle lui avait promis en échange de son aide, et qu'elle avait juré avoir transmis par télégraphe à Altha Carter, femme d'un révérend, à qui ils devaient remettre Theolina, Gro, Arabella et Hedda. Pourtant, Briggs va faire fi de son amoralité (et non immoralité comme le pense à tort Mary Bee Cudy) parce que au contact de ces femmes, c'est à l'Amérique toute entière qu'il se confronte en à peine trois cents pages. Parce que au-delà des colons idéalistes qui sont autant de petites mains besogneuses du déjà naissant capitalisme américain, Briggs se découvre et découvre les affres de la société.

C'est l'isolement et l'abandon qui crée la folie. Une folie qui touche le monde de la construction (il y a une halte dans une ville fictive dont le but est de voler l'argent des petits épargnants en quête d'un retour rapide sur investissement), de la finance (une banqueroute donne une fin atypique au roman) et de la religion (puisque dans un monde religieux dominé par les hommes et les Quakers, c'est une femme qui prend en main la destinée d'autres femmes jusqu'à un fleuve et la ville d'Hebron). Alors, bien sûr, le suicide de Mary Bee associé au fait que les damnées de la terre sont toutes des femmes pourraient faire penser que le roman s'appuie sur une inégalité des sexes, ce serait faire un raccourci éhonté. Glendon Swarthout dresse en quelques courtes pages le portrait de quatre femmes que l'Histoire et la vie n'épargnent pas. Le premier chapitre, qui narre les tourments de Theoline, femme qui accouche esseulée de son enfant, et qui perd la raison sans que le lecteur ne s'en aperçoive immédiatement, est d'une fulgurance rare. Les portraits prolongés de Mary Bee Cudy et de Briggs, eux, sont véritablement d'exception. Briggs portera à jamais comme une croix - une stèle, pourrait-on dire - le suicide par pendaison de celle qui l'a sauvé de la pendaison, et qui était prête à s'offrir à lui et à se marier (non pas par amour mais par pragmatisme car elle est avant tout devenue une femme d'affaires). Sa personnalité va changer en un voyage même si l'appel du Territoire semble être le plus fort. C'est ainsi qu'il repart plus riche intérieurement, mais toujours aussi pauvre dans les faits et les poches, vers l'inconnu. Homesman en ce sens est un roman sur la conquête de l'âme fait par ceux qui ont l'honneur à l'Ouest, un western rythmé et stylisé, qui confirme les grandes qualités de son auteur, Glendon Swarthout. Cela valait bien une nouvelle traduction et une parution en grand format !... D'autant plus qu'au même moment sort le film de et avec Tommy Lee Jones...

Citation

- Je ne veux pas vous retrouver saoul au milieu de quatre femme sans défense.
- Si je ne me saoule pas au milieu de ces femmes, c'est moi qui vais perdre la tête.

Rédacteur: Julien Védrenne dimanche 01 juin 2014
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