Mankell (par) Mankell

Aucune chenille, nulle part, expliqua Andwele. Dans un périmètre d'environ quatre kilomètres, pas un seul paysan ne souffre de ces nuisibles. Lorsque quelques-unes apparaissent, alors ils fichent la paix aux plants, meurent ou passent leur chemin. Et commenta Andwele en faisant un geste vers un épi, les grains sont plus grands que nulle part ailleurs.
Marc Elsberg - Évolution
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Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
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Essai - Policier

Mankell (par) Mankell

Enquête littéraire MAJ mardi 10 décembre 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,9 €

Kirsten Jacobsen
Mankell (om) Mankell - 2013
Henning Mankell (sujet d'ouvrage)
Traduit du danois par Anna Gibson
Paris : Le Seuil, octobre 2013
292 p. ; illustrations en noir & blanc ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-02-108230-2
Coll. "Biographies-témoignages"

Actualités

  • 27/11 Édition: Parutions de la semaine - 27 novembre
    Cette semaine, il ne faudra pas trop regarder dans les parutions de romans. Certes, les amateurs du Prix du quai des Orfèvres peuvent aller tenter leur chance avec Le Crime était signé, de Lionel Olivier (Fayard), mais le risque est là. Sinon, les éditeurs régionalistes et principalement bretons sont de sortie. D'un point de vue qualitatif, on ne saurait trop vous recommander le deuxième volet de cette série BD western, Undertaker, de Xiavier Dorison et Ralph Meyer (Dargaud). Le premier était éblouissant et par son scénario original et par sa violence qui éclatait en des pages particulièrement épiques. Mais si vous préparez les fêtes, alors peut-être serez-vous intéressé par cet ouvrage de photographies de gangsters publié à La Manufacture de livres, Chicago crimes, de Rick Kogan, tout un programme !

    Fictions adulte grand format :
    Le Temps d'une saison, de Siwar al-Assad (Érick Bonnier, "Encre d'Orient")
    Fatale overdose, de Julien Bertaux (L'Onde)
    La Mariée était en blanc, de Mary Higgins Clark & Alafair Burke (Albin Michel, "Thriller")
    Ismène : point, de Catherine Durandin (Dacres, "Littératures de Dacres")
    Dur(e)s à cuire !, collectif (Terres de brume, "Littérature")
    Feuilles, de Michael Fenris (Prisma)
    Les Minarets du Levant, de Peter Germanos (L'Harmattan-Saër al Mashrek)
    Au-delà de l'illusion. 4, Psychostasie, de Denis Grienenberger (Thot)
    La Loi des marais, de Michel Hervoche (Opéra)
    Le Goût âcre de la rhubarbe, de Kurt Jais-Nielsen (Le Masque d'or, "Sagapo")
    Le Thon hausse le ton, de Patrick Jorand (Lacour-Ollé)
    Attrape-moi si tu peux... !, d'Émilie Malburny (Lilys, "Petites rencontres et méga problèmes")
    Le Temps ne guérit pas tout, d'Émilie Malburny (Lilys, "Petites rencontres et méga problèmes")
    Crimes à la Croix-Rousse : la 4e enquête du commissaire Séverac, de Jacques Morize (AO-André Odemard)
    Le Faiseur d'anges, de Laure Roger-Rétif (Ex Æquo, "Rouge")
    Noir comme l'ébène, de Salla Simukka (Hachette romans, "Je m'appelle Lumikki")

    Fictions adulte poche :
    Les Inconnus du vol 981, de Gérard Bertuzzi (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
    La Nuit du tricheur, de Hugo Buan (Le Palémon, "Enquêtes police en série. Une enquête du commissaire Workan")
    Le Diable s'invite à Locquirec, de Michel Courat (Alain Bargain, "Enquêtes & suspense")
    Sous l'uniforme, de Emmy Curtis (Milady, "Mylady romance. Suspense. Alpha ops")
    Le Cahier d'absence, de Frédéric Dard (Pocket, "Thriller. Frédéric Dard")
    Cap au Nord, de Jean-Paul Dautricourt (Écrits noirs)
    La Conjuration florentine, de Gérard Delteil (Points, "Thriller")
    Tracto Breizh, de Jean-Jacques Égron (Alain Bargain, "Enquêtes & suspense")
    Terminus mortel, de Serge Guéguen (Écrits noirs)
    Plein aux as, de Vincent Jacquet (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
    Dernier tour de manège à Cergy, de Anne-Solen Kerbrat-Personnic (Le Palémon, "Enquêtes police en série")
    Par-delà les grilles, de Anne-Solen Kerbrat-Personnic (Le Palémon, "Enquêtes police en série")
    Scandaleuse, de Blandine Lejeune (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
    Un Américain sur la Côte d'Opale, de Jean-Christophe Macquet (Pôle Nord, "Belle époque")
    Le Crime était signé, de Lionel Olivier (Fayard, "Policier")
    Le Triomphe de César, de Steven Saylor (10-18, "Grands détectives")
    Noir comme l'ébène, de Salla Simukka (Le Livre de poche, "Je m'appelle Lumikki")
    L'Appel du mal, de Lisa Unger (Points, "Thriller")
    Une lettre pour la Maison-Blanche, de Gérard de Villiers (Gérard de Villiers, "SAS")
    Marathon à Spanish Harlem, de Gérard de Villiers (Gérard de Villiers, "SAS")
    Murder Inc., Las Vegas, de Gérard de Villiers (Gérard de Villiers, "SAS")
    Objectif Reagan, de Gérard de Villiers (Gérard de Villiers, "SAS")

    Romans & nouvelles étrangers :
    Aventures dans l'Armée rouge, de Jaroslav Hasek (La Baconnière, "Ibolya Virag")
    Souvenirs du Vietnam, de Danielle Steel (Pocket, "Roman")

    Romans & nouvelles français :
    Le Pique-nique, de Pierrette Champon (Brumerge)
    Indétectable, de Jean-Noëm Pancrazi (Gallimard, "Folio")

    Bandes dessinées :
    Lady S. 11, La Faille, de Philippe Aymond (Dupuis)
    Les Chemins de Malefosse : intégrale. 5, de Daniel Bardet & Brice Goepfert (Glénat, "Vécu")
    La Caïda et Coyota, de Juliette Bensimon Marchina (Les Requins marteaux, "Collection Minou-minou")
    Les Tuniques bleues. 59, Les Quatre évangélistes, de Raoul Cauvin & Willy Lambil (Dupuis)
    Sherlock Holmes et Moriarty associés, de Ced & Boutanox (Makaka, "Sherlock Holmes : la BD dont vous êtes le héros")
    Blueberry : intégrale. 3, de Jean-Michel Charlier & Jean Giraud (Dargaud)
    Blueberry : intégrale. 4, de Jean-Michel Charlier & Jean Giraud (Dargaud)
    Tanguy et Laverdure : l'intégrale. 4, Missions spéciales, de Jean-Michel Charlier & Jijé (Dargaud, "Tanguy et Laverdure")
    Les Gardiens du sang : intégrale, de Didier Convard (Glénat, "Grafica")
    Long John Silver : intégrale, de Xavier Dorison & Matthieu Lauffray (Dargaud)
    Undertaker. 2, La Danse des vautours, de Xavier Dorison & Ralph Meyer (Dargaud)
    Largo Winch. 20, 20 secondes, de Philippe Francq & Jean Van Hamme (Dupuis, "Repérages")
    Alpha : premières armes. 2, Solo, d'Emmanuel Herzet & Éric Loutte (Le Lombard, "Troisième vague")
    Miss pas touche : intégrale, de Hubert & Kerascoët (Dargaud, "Poisson pilote")
    Le Piège diabolique, d'Edgar Pierre Jacobs (Blake et Mortimer, "Les Aventures de Blake et Mortimer")
    Les Trois formules du professeur Sato, d'Edgar Pierre Jacobs (Blake et Mortimer, "Les Aventures de Blake et Mortimer")
    Superman : l'homme de demain. 1, Ulysse, de Geoff Johns & John Romita (Urban comics, "DC renaissance")
    Milady de Winter : intégrale, d'Agnès Maupré (Ankama)
    Wunderwaffen. 8, La Foudre de Thor, de Richard D. Nolane & Milorad Vicanovic-Maza (Soleil)
    Palestine, de Joe Saccho (Rackham)
    Sur les traces de Garcia Lorca, de Carlos Hernandez Sanchez & El Torres (Vertige Graphic)
    Pancho Villa : la bataille de Zacatecas, de Paco Ignacio Taibo II & Eko (Nada)

    Mangas :
    Q mysteries. 1, de Keisuke Matsuoka, Chizu Kamikou & Hiro Kiyohara (Kana, "Big Kana")
    Q mysteries. 2, de Keisuke Matsuoka, Chizu Kamikou & Hiro Kiyohara (Kana, "Big Kana")

    Littérature de jeunesse (éveil) :
    M le méchant, de Fanny Marconnet (LamaO)

    Fictions jeunesse :
    Caminar, de Dominique Chappey (Oskar, "Roman. La Vie")
    L'Huile d'olive ne meurt jamais, de Sophie Chérer (École des Loisirs, "Médium")
    Du rififi au pont du Gard : une enquête d'Aemilius, de Gérard Coulon (Oskar, "Les Aventures de l'histoire !")
    Un secret derrière la porte : en juin 1944, de Bernard Gallent (Oskar, "Les Aventures de l'histoire !")
    Mon hamster est un espion, de Dave Lowe (Pocket jeunesse, "Séries")
    Graine de résistant, de Arthur Ténor (Oskar, "Histoire")

    Cinéma, télévision & radio :
    James Bond : secrets et complots : le monde impitoyable de l'agent secret, de Robert Ellis (Pages ouvertes)
    James Bond : dans les coulisses de Spectre (Huginn & Muninn, "Ciné TV")

    Photographie :
    Chiapas : insurrection zapatiste au Mexique, de Mat Jacob (Actes Sud, "Histoire. Photo poche")

    Littérature (théorie & études) :
    Mankell par Mankell : un portrait, de Henning Mankell & Kirsten Jacobsen (Points)

    Art du dessin & caricatures :
    Les Chroniques de DC Comics (Huginn & Muninn, "Para-BD")
    Agit-tracts : un siècle d'actions politique et militaire, de Zvonimir Novak (L'Échappée)
    Mystères ! : une biographie en images, de Tibet (Daniel Maghen, "Biographies en images")

    Théâtre (pièces) :
    Straight, de Guillaume Poix (Théâtrales, "Journée de Lyon des auteurs de théâtre")

    Jeux & divertissements :
    Tout l'art de Assassin's creed syndicate (Huginn & Muninn)

    Biographie & généalogie :
    Saleté de guerre ! : Marie-Louise & Jules Puech : correspondance 1915-1916, de Marie-Louise Puech & Jules-L. Puech (Ampelos)
    Ne dis pas ton nom et cache-toi : une enfant en 1942, de Colette Zeif (Les Impliqués)

    Histoire de France :
    Sang royal : la vérité sur la plus grande énigme de l'histoire de France, de Jean-Louis Bachelet (Ring)
    De la capture à Verdun à la rupture avec Pétain : une autre histoire de Charles de Gaulle, de Jean-Baptiste Ferracci (Paris-Max Chaleil, "Essais et documents")
    Champagne-Ardenne, destruction de la Grande Guerre, de Yann Harlaut & Vincent Zénon Rigaud (A. Sutton, "Mémoire en images")
    Les Tsiganes en France : 1939-1946, de Denis Peschanski (CNRS)
    Lettre à la jeunesse ; suivi de J'accuse, d'Émile Zola (Berg international)

    Histoire de l'Europe :
    Le Sens de l'holocauste : jouissance et sacrifice, de Serge André (La Muette)
    L'Émigration allemande en Suisse pendant la Grande Guerre, de Landry Charrier (Slatkine)
    Les Damnés de la guerre, de Philippe Delestre (Italiques)
    La Déroute française de 1940 : la faute aux Belges ?, de Jean-Claude Delhez (Economica, "Mystères de guerre")
    Véridique histoire des oustachis : croquemitaines de légende mais authentiques patriotes, de Christophe Dolbeau (Akribeia)
    L'Encyclopédie de la Seconde Guerre mondiale, sous la direction de Jean-François Muracciole & Guillaume Piketty (Robert Laffont-Ministère de la Défense, "Bouquins")
    Les 300 jours de Verdun, sous la direction de Jean-Pierre Tubergue (Italiques)
    Les Ruines d'Auschwitz ou La Journée ordinaire d'Alexander Tanaroff, de Thierry Guilabert (Libertaires)
    Eugene Sledge : un Marine dans l'enfer du Pacifique, de Matthieu Longue (Heimdal)
    Une magnificence d'horreur : à Verdun, Dieu était où ? : anthologie de témoignages, édité par Paul Christophe (Cerf)
    1914, la guerre avant la guerre : regards sur un conflit à venir, sous la direction de François Cochet & Jean-Christophe Sauvage (Riveneuve, "Actes académiques")
    Apocalypse en Belgique : 1940-1945. 4, Mémoires familiales, de Louise Monaux & Bruno Deblander (Racine, "Histoire")
    Sturmtruppen : les troupes d'assaut de l'armée allemande : 1914-1918, de Ricardo Recio Cardona (Heimdal, "Album historique")
    Guerre secrète en Suisse : 1939-1945, de Christian Rossé (Nouveau Monde, "Histoire du renseignement")
    L'Algérie dans la Seconde Guerre mondiale, de Jacques Simon (L'Harmattan, "CREAC-Histoire")
    1915 : l'impossible percée, de Gilles Vauclair (A. Sutton, "Mémoire en images")
    Discours de guerre et d'après-guerre, de Max Weber (École des hautes études en sciences sociales, "Audiographie")

    Histoire des autres continents :
    Rapport sur l'activité du médecin-capitaine Georges Armstrong du 3e BCCP : durant sa captivité au camp n° 1 et au camp-hôpital 128 au Nord-Tonkin de 1950 à 1954, de Cyril Bondroit (Indo, "Fac-similé")

    Régionalisme :
    La Bretagne sous l'occupation (Blanc et Noir)
    Vivre sous l'Occupation : 1940-1945 : chroniques jurassiennes, d'André Robert (Le Belvédère)

    Science militaire :
    No hero, de Mark Owen (Points, "Document")
    D'Hiroshima à la dissuasion nucléaire, de Jacques Villain & André Motet (Cépaduès)

    Problèmes sociaux & sécurité publique :
    13 heures, les soldats secrets de Benghazi, de Mitchell Zuckoff (Nimrod)

    Criminologie & prisons :
    Sex beast : sur la trace du pire tueur en série de tous les temps, de Stéphane Bourgoin (Grasset)
    Chicago crimes (La Manufacture de livres)
    Aux marches du palais : mémoires d'un preneur d'otages, de Georges Courtois (Le Nouvel Attila)
    Le Faux : un marché mondial, de Pierre Delval (CNRS)
    Criminal gangster : James Whitey Bulger : le plus impitoyable gagster de Boston, de Vincenzo Galente (Pages ouvertes)
    Prison : le choix de la raison, de Stéphane Jacquot & Dominique Raimbourg (Economica)
    Vagabondes : écoles de préservation pour jeunes filles, de Sophie Mendelsohn & Henri Manuel (L'Arachnéen)
    Liens : La Nuit du tricheur |Caminar |Le Triomphe de César |Le Crime était signé |Pancho Villa : la bataille de Zacatecas |La Conjuration florentine |Un Américain sur la côte d'Opale |Mary Higgins Clark |Hugo Buan |Frédéric Dard |Gérard Delteil |Lisa Unger |Didier Convard |Paco Ignacio Taibo II |Dominique Chappey |Arthur Ténor |Henning Mankell |Stéphane Bourgoin |Jean-Christophe Macquet

  • 05/10 Nécrologie: Wallander orphelin : disparition de Henning Mankell
  • 11/10 Édition: Parutions de la semaine - 11 octobre

De quoi réconcilier avec le genre humain

La célébrité, pour un écrivain, c'est quand on se met à écrire sur lui. Henning Mankell a bien sûr déjà franchi ce stade depuis longtemps. Mais voilà que nous avons droit à une sorte de mélange de biographie et d'autobiographie, sur la base d'une longue interview fractionnée mais aussi de divers autres témoignages et documents. La formule est bonne, car il est toujours intéressant d'entendre un écrivain parler de son travail, de ses espoirs et ses frustrations éventuelles, mais aussi de confronter cela à d'autres points de vue. Et cela commence très fort lorsque, dès la troisième page, on l'entend parler (puisque c'était lors d'une conférence dans une université indienne) d'un jeune Africain qui avait peint des chaussures sur ses pieds pour préserver sa dignité, et en conclure qu'il fallait "opposer une résistance aux forces du Mal et de l'oppression qui hantent encore le monde dans lequel nous vivons" (voilà qui place d'emblée une œuvre, fût-elle policière, sous le signe de la morale) et ajouter qu'écrire de la fiction, selon lui, c'est dire "comment les choses auraient pu se passer".
À partir de là, le livre se déploie sur une double piste : factuelle et artistique. La vie de Mankell telle quelle nous est retracée offre un parcours assez rectiligne, depuis sa naissance à Stockholm, la fuite de sa mère, la jeunesse à Sveg (sorte de "trou-du-cul" de la Suède ou de Laroche-Migennes du pays, désormais très fier de l'enfant du pays), l'engagement radical (maoïste) des années 1970 et la conviction vite acquise qu'il était destiné à la littérature et plus particulièrement au théâtre, où il fit très jeune ses premières armes. La rencontre avec l'éditeur Dan Israël l'orientera par la suite vers le roman, sans jamais le faire renoncer à ses premières amours qu'il cultive toujours assidument, on le sait sans doute, au Mozambique. Trois mariages (mais pas d'enterrement, jusque-là, sinon celui d'un père très regretté pour l'avoir élevé seul et lui avoir fourni tous ses repères), dont le dernier (pas seulement en date, s'est-il juré), avec la fille d'Ingmar Bergman soi-même. Puis la découverte de l'Afrique et l'existence bipolaire, la participation à l'expédition Ship to Gaza, le succès planétaire... Pas de quoi se plaindre, et il ne le fait pas, on peut au contraire s'étonner qu'une vie aussi "heureuse" ne l'ait pas rendu insensible au malheur d'autrui, comme c'est si souvent le cas. "Humble, redevable, content", voilà comment ce sage résume sa vie. Ajoutons qu'il finance un village d'enfants au Mozambique, la scolarité de certains autres par ailleurs, etc., et qu'il considère cela comme… un privilège ! Oui, on a bien lu (mais il faut dire qu'il a ou avait "énormément d'argent inemployé"). Circonstance aggravante, il tient à payer ses impôts... en Suède (c'est-à-dire qu'il y laisse plus de la moitié de ses revenus – et pas seulement soixante-quinze pour cent sur la tranche supérieure à un million, si vous voyez ce que je veux dire ; mais là j'entends Depardieu crier "Au fou !" depuis le fond de l'Asie centrale où il fait si bon vivre dans la "démocratie").
Mais le plus intéressant dans ce livre est l'autre versant, sa biographie intellectuelle et artistique. Elle est placée sous le signe de la créativité, bien entendu, mais aussi d'un humanisme rigoureux. Car il est très préoccupé par la faillite de plus en plus évidente du système judiciaire de son pays et de l'Occident en général (son père était juge). Or il est d'avis (contrairement à bien de nos bonnes âmes) que c'est... un crime de ne pas punir un crime et que cela revient à ouvrir la porte au fascisme par désamour de la démocratie. Le premier de ces crimes étant selon lui le racisme. Il aborde aussi, au passage, la question du libre arbitre, l'art d'écrire ("un artisanat rationnel"), le désir de contribuer à rendre le monde un peu moins moche qu'il n'est, la mort (qu'il ne craint pas, mais bien la déchéance, comme tant d'entre nous), l'importance de la culture. Il se réjouit que sa familiarité avec l'Afrique lui ait permis d'acquérir une "double perspective" (argument massue à asséner à tous les racistes, mais qui leur est bien sûr inintelligible). Il s'inquiète de voir la Chine prendre, et avec quel brio, le relai du colonialisme occidental, de voir la cupidité régir le monde et l'éducation (intellectuelle, civile et morale) s'y affaiblir sans cesse. Il a d'ailleurs souvent eu l'occasion de constater à ses dépens les inconvénients de la célébrité (sollicitations perpétuelles et même usurpation crapuleuse d'identité – sur Facebook c'est un jeu d'enfant). Il plaide pour le partage solidaire (en fonction des besoins) et non pas "juste" (autant à chacun), et pour la passion, car "on ne peut pas vivre sans", quelle qu'elle soit. Et aussi pour le théâtre, art collectif – on l'oublie trop souvent – qui est la plus puissante de toutes les formes littéraires car capable de parler même aux analphabètes, encore qu'il puisse être "très mort" si l'on n'a "rien vécu" en sortant de la salle. En revanche, il prend ses distances par rapport à cette notion de "bonheur", si galvaudée et commercialisée, à laquelle il oppose la joie. Il pense que c'est l'homme qui a créé Dieu et non l'inverse – voilà qui va aggraver son cas aux yeux des fanatiques qu'il combat.
On pourrait continuer longtemps ainsi, pour bien rendre compte d'un livre aussi riche. Mais mieux vaut souligner pour finir qu'il n'y a rien de dogmatique dans tout cela. Mankell est un homme modeste mais surtout sensé et réaliste qui prend la littérature au sérieux, mais pas lui-même (bonne formule dont beaucoup de nos écrivaillons feraient bien de prendre de la graine, au lieu de l'inverse). Mon seul point de désaccord porte sur les films que Kenneth Branagh a tirés de ses livres : il les trouve "géniaux", alors que je les trouve très mauvais, car une demi-heure de Branagh au volant de sa voiture, ça ne fait pas un film. Il admet d'ailleurs que "l'accent est mis" sur l'acteur – euh, oui, c'est peu dire. Mais il donne aussi un coup de chapeau aux traducteurs qui font "un travail fantastique". C'est bon de l'entendre de sa bouche.
Au terme de ce livre, on n'aura peut-être pas appris "comment écrire un best-seller en dix leçons" mais on aura au moins pris une belle leçon de dignité et d'humanité, tout simplement. Humain, très humain (et non pas trop, comme on dit hélas bien souvent).

Citation

La créativité est la pierre angulaire de ma vie. Une activité sensuelle depuis le début.

Rédacteur: Philippe Bouquet dimanche 02 octobre 2016
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