Yeruldegger

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Roman - Policier

Yeruldegger

Ethnologique MAJ mercredi 09 octobre 2013

Wild Far East

On connaît peu de choses de la Mongolie, mis à part le personnage légendaire et réel de Genkis Khan - qui d'ailleurs sera plusieurs fois évoqué dans ce roman de Ian Manook. L'ancien chef de guerre pourrait d'ailleurs servir de point de départ à cette chronique tant il est synonyme de mélange de violence aveugle, de mysticisme étranger à notre culture, et d'entrée dans la mondialisation.

Violence aveugle ? Le roman raconte avant tout l'histoire d'un policier blessé par la vie, un policier dont le nom même sert de titre. L'une de ses filles a été tuée par des bandits, l'autre se drogue et est liée à des groupes douteux et, pour parachever le portrait familial, sa femme a sombré dans la folie. Mais jamais l'ensemble, qui chez un auteur lambda deviendrait une masse de clichés pathologiques, ne sombre dans la caricature grâce à un style tendu et nerveux. Le roman s'ouvre sur la découverte du corps d'une petite fille, enterrée sans doute vivante avec son tricycle. Yeruldegger jure alors de lui redonner une sépulture décente avec ses parents disparus et inconnus. Mais, bien sûr l'enquête révélera plus de choses qu'un simple accident de circulation maladroitement et effroyablement dissimulé.
Mysticisme ? Naïvement l'on imagine ces terres lointaines prises entre le chamanisme ancestral et quelques rites bouddhiques - Yeruldelgger a d'ailleurs commencé sa vie avec une initiation bouddhique. Mais à la sauce mongole avec des moines plutôt shaolin, comme dans les films sanglants, et des leçons religieuses qui sont enseignées à base de coups de poing, et qui pour tout baptême, vous précipitent dans une fosse où l'on s'empresse de vous lancer de dangereux serpents.
Entrée dans la mondialisation ? Depuis Gengis Khan, et en se limitant au XXe siècle, la Mongolie a connu le communisme stalinien, les camps, la présence chinoise et l'ouverture capitaliste asiatique. Le pays s'est transformé en une sorte de Far East à deux vitesses : des terres ancestrales, où se côtoient les traditions et des quads (moyens de locomotion de prédilection des nouveaux hell's angels locaux), et des villes proches de celles du tiers-monde avec une population qui s'appauvrit dans de grands ensembles hérités de l'URSS, et une police corrompue qui maintient un semblant d'ordre voulu par les nouveaux maîtres. Ce sont tous ces éléments que décrit Ian Manook avec son personnage central qui doit à la fois enquêter sur cette enfant enterrée vivante et sur la mort atroce de trois Chinois, contremaîtres dans une usine locale.

Servi par le décor des steppes, Yeruldegger est un roman ample et varié qui allie description fine de la jungle urbaine (avec des nazis locaux, des magouilles policières, des gens que l'on tue à l'étouffée, en les attachant nus sur les tuyaux de chauffage urbain), longues promenades racontées avec justesse dans les steppes où les villageois vivent - mal - des exactions de touristes violents, descriptions des coutumes et des mœurs locales par l'entremise d'un policier qui, malgré sa vie, veut conserver les traditions (le passage de la recette de cuisine à base de marmottes où les personnages retrouvent des souvenirs d'enfance en goûtant le plat cuit à l'antique est littéralement savoureux). Tout un monde qui vit sous nos yeux, sans exotisme facile, entre les ténèbres des grands passages du roman noir et des envolées lyriques, écologiques et mystiques fascinantes sur un monde ancien qui ne veut pas mourir (la rencontre avec une ourse, une course à cheval dans la steppe). Ce roman est annoncé comme le premier volet d'une trilogie. Sa suite va être attendue de pied ferme !

Récompenses :
Prix SNCF du polar/Roman 2014
Grand Prix des Lectrices de "Elle" Policier 2014

Nominations :
Mille et une feuilles noires 2014
Prix Polar Michel Lebrun
Prix Polar Michel Lebrun 2014
Prix Mystère de la Critique 2014
Grand prix de la littérature policière - roman français 2014

Citation

Huit siècles plus tard, on ne se souvient encore de nous que par la terreur et la destruction que nous avons imposées à des cultures qui nous étaient supérieures. Nous n'avons vaincu que parce que notre bestialité dépassait leur entendement éclairé.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 09 octobre 2013
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