On vole des enfants à Paris

Progressant en crabe tout en surveillant les angles de tir, il gravit l'escalier le dos courbé. Deux autres détonations le stoppèrent. L'acoustique du bâtiment, la pierre et le marbre, les plafonds voûtés formaient une chambre d'écho.
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jeudi 18 avril

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Roman - Policier

On vole des enfants à Paris

Fantastique - Enlèvement - Disparition MAJ vendredi 23 août 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7,5 €

Louis Forest
Préface de Matthieu Letourneux
Postface de Matthieu Letourneux
Paris : Le Masque, octobre 2012
736 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7024-3826-8
Coll. "Masque poche. Contemporain", 2

Entre articles et roman

Le roman a été diffusé, pendant des décennies, sous la forme de feuilleton. Les plus grands auteurs ont utilisé ce vecteur avant de voir leurs œuvres éditées en volume. Le feuilleton voisinait alors avec le fait divers et son mode d'écriture spécifique. Louis Forest imagine de réunir les deux genres avec un roman présenté comme une série d'articles sur une affaire d'une haute densité dramatique. Une réussite !

C'est dans Le Matin du 25 juin 1906, que les lecteurs découvrent qu'on enlève des enfants à Paris. C'est une véritable épidémie : sept en sept jours. La police reste discrète. Seul Octave Hamard, le chef de la Sûreté, admet la gravité de la situation.
Tous les garçons enlevés sont âgés de six à sept ans et très blonds. Au moment de boucler l'article, un journaliste téléphone que la baronne de Vautremesse est au commissariat. Son fils, André, six ans et trois mois, aux cheveux longs, bouclés, d'un blond très clair a disparu.
Le lendemain, le journal porte à dix le nombre d'enlèvements. Devant l'ampleur, Bernard, Binard et Barbarus, trois des meilleurs rédacteurs, sont chargés de suivre l'affaire. Une prime de vingt-cinq mille francs sera attribuée, par le vote des lecteurs, au journaliste qui aura mené la meilleure enquête.
Chaque jour apporte son lot de nouvelles et malgré la mobilisation de tous les services de police, et la venue d'un détective fameux des États-Unis, les enfants restent introuvables. On retrouve, en paquet, leurs vêtements, leurs bijoux, une mèche de cheveux, quelques minutes après leur disparition. Puis, les ravisseurs enlèvent des enfants bruns, roux... même une fillette.
Le journal se fait l'écho des témoignages des lecteurs, de leurs avis, de leurs suggestions, hypothèses. Ainsi, l'un fait remarquer que tous les enfants disparus sont tous très intelligents. Des personnalités se mobilisent. Peu à peu, la police constitue un faisceau d'éléments qui éclairent le mode opératoire. Mais les rapts continuent...

Bien que précédé d'annonces énigmatiques, bien que présenté comme "Un reportage sensationnel, un roman extraordinaire", ce feuilleton a suscité, lors de la parution des premiers articles, de l'inquiétude, de l'effroi, parmi la population des lecteurs. En effet, il a la forme et la teneur d'un papier habituel sur un fait divers, comme il en paraît des dizaines, chaque jour dans le journal. L'auteur, par ailleurs, reporter, utilise tous "les procédés empruntés aux logiques de la presse et de l'écriture journalistique".
L'auteur se sert de l'actualité, introduit des événements de l'époque sous les appellations à peine masquées pour renforcer le côté reportage. Il cite des témoins. Il fait intervenir, par le biais de lettres de lecteurs, d'interviews, de discours, nombre de personnalités, transformées par leurs interventions en acteurs de son histoire. On croise, ainsi, Alphonse Bertillon, Louis Lépine le Préfet, Clemenceau, alors ministre de l'Intérieur, Mistinguett... Il exploite toutes les possibilités que lui offre ce genre littéraire.

La vogue est aux concours, aux jeux primés que Le Matin, et d'autres journaux, organisent pour lancer les feuilletons. Louis Forest inclut cette compétition, entre trois journalistes. Le journaliste, justement, est devenu non seulement le témoin d'événements, mais aussi un enquêteur à part entière, qui va chercher l'information au cœur de l'action. L'auteur se place dans la même démarche que Gaston Leroux avec Rouletabille, Pierre Souvestre et Marcel Allain avec Jérôme Fandor... sauf qu'il présente son récit comme un reportage, comme une histoire qui s'écrit au jour le jour selon les événements que découvrent les détectives et la police.

Usant tour à tour d'un ton dramatique et humoristique, Louis Forest mêle à son intrigue une large part de merveilleux scientifique, et de fantastique selon le goût de l'époque pour les progrès de la science.

Ce feuilleton est paru du 25 juin au 23 septembre 1906. La version roman qui est proposée par Le Masque, a été remaniée pour éliminer nombre de résumés, rappels et liens entre les articles pour que les lecteurs ne perdent pas le fil et que les nouveaux, attirés par la rumeur publique puissent entrer facilement dans le récit. Les patronymes de personnages authentiques ont été légèrement changés.

Le roman est complété par une préface et une postface de Matthieu Letourneux qui explicite le contexte d'écriture, rappelle qui était l'auteur et analyse le travail d'écriture.

On ne peut que féliciter les éditions du Masque pour la réédition d'un livre passionnant qui éclaire deux approches de l'écrit à travers une intrigue savamment orchestrée, flirtant parfois avec le pastiche. Par contre, on ne peut que regretter le choix de l'illustration de la couverture qui a si peu à voir avec le contenu du roman.

Citation

Après l'enlèvement de trois enfants à cheveux noirs, les parents des blondins et blondinets ont, eux, poussé un soupir de soulagement. Ils ont respiré un peu, pensant : 'Les préférences capillaires du ravisseur ont changé. À chacun son tour.'

Rédacteur: Serge Perraud jeudi 18 juillet 2013
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