Dobermann : l'intégrale. 1

J'ai su que tout allait de travers quand Evil Hansen est sorti en courant de la pâtisserie et m'a poignardé à la jambe, et ça a vraiment été la meilleure chose qui se soit passée ce jour-là.
Aidan Truhen - Sept démons
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Policier

Dobermann : l'intégrale. 1

Politique - Braquage/Cambriolage - Gang - Procédure MAJ mercredi 19 juin 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 24 €

Joël Houssin
Paris : Ring, mai 2013
1240 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 979-10-91447-07-2

Prendre à la gorge et ne jamais desserrer

Pour la France, la fin des années des années 1970 et le début des années 1980 constitue un tournant important : alternance politique, arrivée en force des mouvements rock et punk radicaux, philosophie de Foucault centrée sur des marginaux - folie, prison, etc. -, et nouvelle vague d'écrivains dans les genres populaires. Le tout se constitue aussi autour d'un goût affirmé pour une marginalité qui n'est plus uniquement représenté par les fleurs hippies "peace and love", mais qui s'accompagne d'une certaine violence. Tout ceci pourrait être symbolisé par le succès de Trust, qui appuie par une musique tonitruante un discours qui fait la part belle aux truands et aux quartiers de haute sécurité. C'est également la période où Flic ou voyou, film avec Jean-Paul Belmondo, montre que la frontière entre les deux mondes devient flou. Un flou qui est renforcé avec la mort de Jacques Mesrine - dont des textes seront mis en musique par Trust -, une mort qui reste sujette à controverse, une mort qui mettra en avant l'Office de répression du banditisme. C'est dans ce cadre général que Joël Houssin, après des débuts fracassants dans le monde de la SF va composer sa "saga" Dobermann. Stylistiquement, les récits seront efficaces, prenants, denses, jonglant entre un argot un peu daté (mais qui était peut-être déjà daté à la parution) et reprenant quelques éléments de la mythologie classique du roman de gangsters : honneur, amitié virile, passage en prison avec indics, coups calibrés...

Son personnage central, Yan Lepentrec, est un être à part dans cet univers, épaulé par un grand chien racé : individualiste, calculateur, construisant ses affaires comme des parties d'échecs, il est également un homme amoureux, qui peut parfois sombrer dans la déprime. Face à lui, nous allons suivre une équipe de policiers de choc avec un commissaire qui se préoccupe de résultats avant tout et n'hésite pas à torturer, à mentir, et à laisser pourrir une situation pour pouvoir flinguer à tout va. Autour de lui, un ancien coureur automobile qui continue ses rallyes dans les filatures des bandits et Le Clodarec, un policier breton, blessé à la tête d'un coup de crosse qui lui déforme le crâne et qui reste sans doute le dernier élément de stabilité républicaine dans cette lutte romantique.
Car il y a du romantisme échevelé dans cette course effrénée entre flics et voyous. Poésie sourde des espaces urbains ou envolées dans les campagnes où les gangsters se planquent, amour entre le Dobermann et sa compagne, sentiments d'amitié, de solidarité qui s'amplifient au détriment même de la vie, champagne qui coule à flots. Du romantisme dans cette lutte entre des forces presque jumelles qui s'opposent sans cesse, broyant ceux qui se trouvent au centre victimes de la Fatalité : petits truands qui ne font pas le poids mais qui sont des pions utiles, indics de la police que l'on tue, en passant, comme si de rien n'était, passants qui ma foi n'avaient qu'à pas passer, avocats qui oscillent entre leur métier et la fascination qu'exerce la truanderie... Souvent en quelques pages ou lignes, un personnage secondaire est dressé dans une vérité forte comme ce gendarme sans ambition mais poussé par son épouse, ou ces immigrés jamaïcains, ou enfin ce prisonnier qui veut rester neutre...

Dans l'ordre, Le Dobermann américain présente les forces en présence et installe les personnages dans un décor provincial suintant l'ennui, les rancœurs et les mesquineries. Les crocs du Dobermann raconte comment le gangster monte un plan diabolique pour se venger des forces de police, en les poussant à venir se battre sur un hold-up. Le Dobermann et le phénix, à l'inverse, montre comment la machination d'un petit groupe de gangsters devient pour les forces de police l'occasion de dresser un piège. La Nuit du Dobermann déroule le plan compliqué du gangster pour liquider une faction de truands et rétablir une sorte de société national du crime. Dans Le Dobermann et les rastas, Joël Houssin s'amuse avec une "famille" mafieuse française, à la Albert Simonin, qui s'englue et perd le contrôle de son territoire, gangrené par de jeunes loups, sans foi ni loi, ni même autre but que de fumer des pétards (une parabole sur les jeunes auteurs en SF et polar qui essayaient de secouer le cocotier des vieux briscards du roman populaire ?). Plus noir qu'un Dobermann est le premier volume ouvertement politique puisqu'il décrit milieu 1981 l'alternance politique au travers d'une sombre magouille où tenants de l'ancien régime giscardien et nouveaux socialistes tentent de redistribuer le pouvoir. Là, face à l'appareil d'État, le Dobermann ne pourra pas faire grand-chose, et se retrouvera en prison ce qui permet de développer dans le dernier volet de cette intégrale, À la santé du Dobermann, l'épisode classique du truand en prison, essayant de se sauver, au milieu des "moutons" et des dangers de la vie carcérale.

La série s'est concentrée sur des figures marquantes. D'un coté un truand solitaire, sorte de justicier lupinien violent, fidèle au code de l'honneur, mais qui sait être machiavélique et, de l'autre, une équipe de policiers, dignes de Javert, obsédés par le besoin d'arrêter celui qu'ils poursuivent (en y mettant plus ou moins les gants), bref la lutte immémoriale entre Bien et Mal, ici détournée, car qui peut réellement séparer le bon grain de l'ivraie ?Grâce aux légères allusions à la politique et à la vie quotidienne des années 1980, au style nerveux et dense, parsemé d'un argot intemporel, à la fluidité des intrigues qui mixent, avec bonheur, des plans conçus avec soin et les impondérables qui relancent des improvisations nécessaires, la série "Dobermann" a plus que bien vieilli et s'est même bonifiée avec l'âge.

NdR - Dobermann : l'intégrale. 1 comporte les romans suivants parus entre 1981 et 1982 : Le Dobermann américain, Le Dobermann et le phénix, La Nuit du Dobermann, Le Dobermann et les rastas, Plus noir qu'un Dobermann & À la santé du Dobermann.

Citation

Je comprenais mal, avant, pourquoi la plupart des gens avaient les jetons des flics. Maintenant en vous voyant travailler, je crois que j'ai pigé.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 19 juin 2013
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page