Purgatoire des innocents

Il a d'abord pensé que ça passerait. C'était tellement effrayant, cette obscurité. Tellement affreusement vide, aussi. Comme de tomber en criant dans un vide sans fin. Les ténèbres dans ce qu'elles englobent de perdition et de malédiction. Un cri silencieux, parce qu'il a vite compris qu'il n'aurait jamais assez de souffle pour hurler jusqu'au bout du vide.
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Poésie - Thriller

Purgatoire des innocents

Tueur en série - Horreur-gore MAJ vendredi 07 juin 2013

Note accordée au livre: 2 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Karine Giébel
Paris : Fleuve noir, mai 2013
594 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-265-09784-1
Coll. "Thriller"

Petit musée des horreurs

On ne peut pas reprocher à Karin Giébel de ne pas se renouveler. On a même l'impression que l'auteur explore un par un les archétypes du genre polar - ce qui n'est pas forcément désagréable. Là, le récit commence comme dans un Peter Randa de la grande époque : après un casse tonitruant, quatre braqueurs, dont deux frères, se retrouvent en cavale. L'un d'entre eux étant blessé, il se réfugie chez le premier médecin venu, en l'occurrence Sandra, une vétérinaire apparemment soumise. Le huis-clos s'instaure en attendant le retour du mari, un gendarme en mission — s'il faut en croire Sandra. Mais un redoutable prédateur rôde dans la région et vient de kidnapper deux jeunes filles... On se doute de la suite !

C'est pour Karine Giébel l'occasion de présenter un duo de psychopathes vraiment monstrueux qui semblent sortis tout droit de l'actualité récente tout en allégeant la sauce de quelques pages presque poétiques frôlant le fantastique sur Sandra la soumise rongée par la culpabilité, personnage fascinant semblant sorti tout droit de Martyrs, le génial film de Pascal Laugier. Et c'est là que le bât blesse : on bascule soudain dans l'équivalent d'un des innombrables films à deux balles surnommés "Torture Porn" nés du succès de la série des "Saw".
L'intrigue répétitive tourne autour des tentatives des différents protagonistes de s'échapper et des représailles qu'ils encourent où rien, pas la moindre torture, pas le moindre viol n'est épargné au lecteur sans la distance que sait prendre un Franck Thilliez, par exemple, ou le côté grand-guignol assumé que prend parfois Brigitte Aubert. Inutile de dire que les deux ados ne sont pas épargnées... Et puis pointe également le problème numéro un du genre actuellement : la volonté de noircir des pages, ou le désir des éditeurs d'offrir des pavés toujours plus gros, comme si quantité était synonyme de qualité - d'autant qu'à moins de suivre la manie de s'inscrire servilement, pavlovesquement dans la droite lignée anglo-saxonne, où il faut à tout prix offrir du volume, la répercussion sur les ventes n'est pas prouvée.

Du coup, loin de la concision des Morsures de l'ombre, il faut se fader des pages et des pages redondantes entre deux scènes de torture. La violence était parfaitement justifiée dans le séminal Meurtre pour rédemption, où elle servait le propos, mais là, on plonge dans la complaisance d'autant plus surprenante que la livraison de l'an dernier, Juste une ombre, était toute dans la suggestion. Karine Giébel se rattrape après un rebondissement inattendu en offrant un finale à la hauteur jusqu'à une sentence ultime glaçante, mais il est à craindre que le lecteur ait déjà décroché. Ce roman suscite déjà la controverse, y compris chez les fans de l'auteur. À vous de juger, mais comme on dit, âmes sensibles, vous êtes prévenues. Pour les autres, attendons l'année prochaine !

Citation

Ce qui lui plait chez Sandra, c'est son propre reflet. Elle n'est qu'un miroir, rien d'autre, dans lequel il s'admire à loisir.

Rédacteur: Thomas Bauduret mardi 04 juin 2013
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