Étranges rivages

Hayette et Rajaa disent ce quelles ont à dire, soit entre pas grand-chose et presque rien. Elles se trouvaient là par hasard et ont été témoins d'un événement étrange dont elles déclarent ignorer le sens et la finalité, même si c'est parfaitement faux.
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Livre sonore - Policier

Étranges rivages

Disparition MAJ vendredi 17 mai 2013

L'idiotie du réel

L'Islande. Un pays où l'on peut disparaître sans façon au détour d'un torrent, d'un glacier, d'un layon. Fascinante, l'Islande ? À l'évidence. Et sauvage, brutale, effrayante quand on s'est mis en tête de la traverser du sud au nord sous ses ciels d'encre noire. On imagine volontiers des foules entières perdues dans cette obscurité sépulcrale. Fantômes dont nul ne fera jamais le deuil. C'est dans ce genre de terres que le commissaire Erlendur a grandi. Il se rappelle la pluie, le vent, la tourmente, l'épreuve d'une tempête levée brusquement, son petit frère apeuré lâchant la main de son père pour se perdre dans le déluge de feu et de glace. Disparu à tout jamais, englouti. Erlendur n'en peut plus de faire chaque nuit le même cauchemar. Et voici qu'on l'appelle, là précisément où jadis son frère a disparu, pour enquêter sur une autre disparition. Tout devient soudain irréel, emphatique, douloureux dans cette Islande solitaire, fantomatique elle-même avec ses poussées de laves qui soulèvent les jupes de la mer aux échancrures du rivage. Erlendur ne sait pas, ne sait plus. Il cherche, hagard. Qui est-il ? Il se rappelle ces soldats égarés dans les montagnes, cette jeune femme évanouie dans la nature. Des traces, il n'y en a aucune, ou trop. À commencer par les siennes, dans cette maison abandonnée de son enfance. Le ciel est bas. L'horizon, bouché comme il arrive si souvent en Islande. La nature implacable ne cesse d'y abuser de ses droits. Erlendur se rappelle son frère. Mort sans doute. Nous saurons tout de sa disparition. Nous ne saurons rien. Tous les détails du drame, mais rien de son tragique, rien de cette douleur insondable dont il ne se remet pas. Il pense aux siens. Sa fille, son fils, sa femme. Ses collègues. Déjà il n'est plus, dirait-on. Si loin. Tandis que revient, lancinante, cette question : "Qui êtes-vous ?"

Énigmatique reprise anaphorique qui contient toutes les réponses dans cette interrogation que rien ne vient soulager. Une question que le texte ne cesse de proférer, intime, lasse et qui ne semble s'adresser à personne. Pas même à soi. Qui êtes-vous ?... Le saurons-nous jamais ce que nous sommes et ce que les êtres qui nous entourent sont ? Une question posée dans l'intériorité d'une voix qui ne s'adresse à personne, qui ne veut rien résoudre pour laisser en plan toutes les réponses que l'on sait donner à ce genre de devinette. Une question qui ne distingue rien et s'en va s'éprendre de la nuit. Mais une question qui tranche. Erlendur ? Est-ce la fin ? Parole encombrante, prodiguée ici avec une folle intelligence dans la lecture de Jean-Marc Delhausse, qui la pose dans le texte comme un objet incongru presque, dont on ne sait que faire. Un objet qui nous ferait brusquement sortir du récit, comme s'il était soudain quelque chose de réel, et il l'est bel et bien tant Delhausse s'est appliqué à donner à la matière sonore de cette simple question une charge incroyable. C'est le timbre qui l'emporte sur le sens, sa matière qui recouvre la voix. Le monde indéchiffrable, Delhausse nous cognant brutalement à son objet dont nous ne savons rien. Quelle intelligence, à convoquer pareillement la matière sonore du texte dans un récit qui ne cesse de mettre en avant la force ahurissante de la nature islandaise ! Et qui nous plonge dans son obscurité inquiétante.

NdR - 1 CD-MP3, 9 h 50 d'écoute.

Nominations :
Les Étoiles du Parisien / Aujourd'hui en France "Polar" 2013

Citation

J'ai l'intention de passer la nuit avec vous, si ça ne vous dérange pas.

Rédacteur: Joël Jégouzo jeudi 16 mai 2013
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