Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver

Ils avaient découvert les quanats en juin de la dernière année du second conflit mondial, ces souterrains qui étaient leurs jardins secrets, pour eux ou du moins pour ceux d'entre eux qui avaient des rêves et de l'imagination.
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vendredi 29 mars

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Roman - Policier

Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver

MAJ jeudi 17 janvier 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 10,64 €

Leif GW Persson
Mellan sommarens längtan och vinterns köld - 2002
Traduit du suédois par Philippe Bouquet
Paris : Rivages, novembre 2012
652 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2430-9
Coll. "Noir", 891

Mauvais calculs d'espions

Lars Martin Johansson est le "seul flic honnête" de Suède, c'est aussi un commissaire récurrent du romancier suédois Leif GW Persson, héritier en ligne droite du Martin Beck des deux icônes littéraires Maj Sjöwall et Per Wahlöö, révélateur d'une société qui n'est pas ressortie indemne de sa neutralité pendant la Seconde Guerre mondiale et qui, par sa proximité géographique avec l'URSS a dû par la suite beaucoup calculer, composer et transiger.

Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver débute d'une manière exquise pour le lecteur de romans noirs avide d'éléments inhabituels dans une situation ordinaire : certes il y a un journaliste américain qui se suicide en sautant d'une fenêtre d'une cité universitaire de Stockholm, mais dès lors tout réside dans un détail - la chaussure. L'homme dans sa chute manque d'emporter dans sa mort un promeneur tout juste averti par le chien sourd qu'il tenait en laisse, mais ce même pauvre chien une dizaine de secondes plus tard a son crâne fracassé par l'une des chaussures de l'étudiant. Ce laps de temps ne pourra au final que signifier une chose : la chaussure a été jetée après qu'il soit tombé. Mais il ne sera pris en compte que par Lars Martin Johansson alors qu'aux abords de l'immeuble, cette nuit-là, beaucoup d'hommes étaient aux aguets.

Leif GW Persson en profite alors pendant plus de six cents pages pour nous révéler le fonctionnement des différentes polices dont le plus inquiétant est sans aucun doute celui de la police de sécurité. Cette dernière passe son temps à voir des complots où il n'y en a pas quand elle ne les invente pas pour pouvoir obtenir des crédits. Mais son incompétence et le fait que dans ses propres rangs chacun cherche à tirer la couverture à lui et à engranger le moindre profit accouchent de situations ubuesques si ce n'est qu'elles ont l'apparence du vrai. L'auteur dresse un tableau effarant d'une société gangrenée par le racisme, le sexe et la peur du terrorisme sur fond d'espionnage et de contre-espionnage. La paranoïa qui est omniprésente ne semble guère toucher le "seul flic honnête" de Suède, pourtant, le lecteur averti du comment on le manipule aimerait bien à de nombreux moments qu'il se réveille.

Il y a du machiavélique dans cette intrigue. L'étudiant que l'on a suicidé avait un oncle colonel retraité des affaires, espion en Suède au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en charge d'enrôler des agents dans le pays. Des agents aux convictions et ambitions troubles n'hésitant pas à vendre des informations aux Américains et aux Russes. Parmi ceux-là, celui qui est dans le roman Premier ministre. Rien que du normal pour un roman qui mélange les genres et rend tout simple et complexe à la fois. Seulement, avec les informations recueillies par ce journaliste amateur dans la nature, et qui vont fatalement tomber dans de mauvaises mains, l'histoire va prendre une autre dimension qui amènera même à l'assassinat de l'homme d'État - à force de manipuler les gens on s'expose fatalement à un incontrôle.

Leif GW Persson nous balade et balade son principal protagoniste, n'hésitant pas à l'emmener aux États-Unis dans l'antre de Quantico en même temps qu'il promène ses états d'âme. L'enquête avance avec toute la lenteur auxquels les pays scandinaves nous ont habitués. Il y a une douce nostalgie froide qui se dégage de ces pages pourtant étrangement chaleureuses. On se prend d'affection pour cet homme obligé de calculer ce qu'il va révéler à sa hiérarchie symptomatisée par cet Expert à l'intelligence prononcée. Son intégrité, sa probité nous plaisent notamment car l'on sait qu'elles sont vouées à l'échec sinon à être circonstanciée. Mais, malgré toutes les manipulations dont il a fait l'objet, Lars Martin Johansson n'en aura pas moins mené son enquête de bout en bout avec une conscience professionnelle qui l'honore, et c'est ainsi qu'un certain pan de la vérité a été révélé. Sobre et brillant.

NdR - Ce livre est paru sous le titre La Nuit du 28 février en 2005 aux Presses de la Cité.

Citation

Ordesson se contenta d'opiner. Toi, on te règlera ton compte plus tard, pensa-t-il. Pour l'instant, je ne suis qu'un petit bonhomme de rien du tout, alors mieux vaut ne pas se faire remarquer. Mais par la suite...

Rédacteur: Julien Védrenne mercredi 09 janvier 2013
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