Le Tireur

Y'a pas : faut que je m'arrache. Surtout à un début de polar. C'est vital. J'en sais qui partent déjà. Qui disent : 'Oh, bon, s'il débloque d'emblée, qu'est-ce ça va être par la suite, quand il vadrouillera dans le gras.' Coûte que coûte, je dois m'interrompre la délirade, débander de l'envolée, que je pantèle dans la bonne action facile à suivre, péripétique, un peu foutreuse, juste la limite.
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vendredi 29 mars

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Roman - Western

Le Tireur

Crépusculaire MAJ lundi 03 décembre 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 9,5 €

Glendon Swarthout
The Shootlist - 1975
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laura Derajinski
Paris : Gallmeister, novembre 2012
198 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-35178-523-2
Coll. "Totem"

Cancer de la justice

John Bernard Books. Ce nom ne vous dit sûrement rien mais dans Le Tireur, du regretté Glendon Swarthout, il est le héros d'un western crépusculaire par excellence. Nous sommes en 1901. C'est un homme à la gâchette sure mais pas forcément précise. Il faut entendre par là qu'il n'y a aucune hésitation dans ses gestes au moment de tuer et que c'est ce qui fait la différence, plus que la précision. C'est la raison pour laquelle ce quinquagénaire est encore en vie alors que trente autres adeptes du colt non. Seulement voilà : la renommée fait que les autres aussi veulent entrer dans la légende, et qu'il est devenu au fil des années l'homme à abattre. Le dernier. Un drôle d'homme d'ailleurs, au regard noir, à l'ancienne, habitué à être obéi au doigt et à l'œil, et surtout atteint d'un cancer de la prostate en phase terminale venu mourir dans une chambre d'hôte d'El Paso après avoir entendu le diagnostic du seul médecin en qui il avait confiance : celui qui lui avait un jour ôté une balle du ventre, et lui avait sauvé la vie.

Western crépusculaire par excellence puisque Books est, dans ce XXe siècle naissant, le mal curable des siècles passés atteint par un mal incurable. Et à mesure que la maladie prend le pas sur lui il retrouve une humanité perdue. Cela ne l'empêchera pas d'orchestrer sa mort de la plus belle des manières en entrant dans les livres d'histoire à l'instar du plan concocté par Terence Hill à Henry Fonda dans Mon nom est Personne. Il y aura en guise de feu d'artifice un ultime duel héroïque à un contre quatre dans un saloon déserté de ses habitués. Mais avant John Bernard Books met de l'ordre dans ses affaires. Différents personnages défilent dans sa chambre, le temps pour lui de tomber amoureux de sa logeuse, Bond Rogers, de refuser des interviews, d'échapper à un assassinat nocturne en règle, d'éconduire un ancien amour, de vendre son cheval, de se faire offrir un cercueil et d'accepter qu'un photographe lui fasse le portrait.

Il faut bien dire qu'il finit par comprendre le monde dans lequel il entre les pieds devant. Chacun tirera profit de sa mort : l'un en vendant des reproductions de photos de lui veste entrouverte sur ses deux armes, l'autre en exposant moyennant un droit de regard sa dépouille, le dernier en vendant ce qui a appartenu au Tireur. Son seul échec sera Gillom, le fils de sa logeuse, pour lequel il s'est pris d'une affection incomprise. Gillom, c'est l'adolescent adorateur d'un mythe vivant qui le voit dans sa déchéance et qui le désacralise. Mais c'est aussi un mauvais homme en devenir qui n'a pas moralement survécu à la mort de son père (il a perdu son père génétique d'une crise cardiaque, et il va perdre son père spirituel d'un cancer de la prostate ; il aura donc par deux fois perdu un père qu'il adorait sans avoir la moindre chance de le tuer philosophiquement parlant, et d'avancer dans sa vie), et qui est en lutte incessante contre sa mère. Sur la mauvaise pente après avoir commis de menus larcins, il finit par ne plus rien respecter, et l'on comprend qu'un jour il sera tué pour avoir voulu jouer les bad guys. Mais il est aussi le révélateur de l'inanité de John Bernard Books, celui qui détruit tout ce que le héros mourant aura voulu construire en un ultime effort salvateur.

C'est cette histoire complexe et profondément humaine qu'a écrit Glendon Swarthout en un peu moins de deux cents pages mûrement réfléchies. Une aventure crépusculaire au héros détrôné par un moins que rien, parfaitement maîtrisée et adaptée au cinéma par Don Siegel avec John Wayne dans son dernier grand rôle. Tout un symbole.

Citation

Books remarqua qu'il tenait son chapeau de la main gauche et gardait la droite libre, que son col le comprimait, que ses chaussures crissaient et, plus important encore, qu'il avait le souffle court face à ses responsabilités. Ce qui signifiait qu'il était suffisamment remonté pour effectuer le sacrifice civique suprême si nécessaire, ce qui le rendait imprévisible, ce qui le rendait dangereux.

Rédacteur: Julien Védrenne dimanche 02 décembre 2012
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