De la torture

J'ai compris que j'avais en fait envie de mourir. L'idée était simple et me trottait dans la tête. J'étais fatigué : crevé par mes obsessions sans fin, mon cerveau ruminant sa douleur et le vide absurde qui remplissait ma vie dénuée de sens. La mort serait un soulagement. Et aujourd'hui serait un bon jour pour crever.
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Essai - Noir

De la torture

Politique - Psychologique - Procédure MAJ jeudi 25 octobre 2012

Note accordée au livre: 3 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 6,2 €

Jeremy Bentham
Traduit de l'anglais par Guillaume Coqui
Paris : Allia, octobre 2012
80 p. ; 17 x 10 cm
ISBN 978-2-84485-574-9

Torturer ou ne pas torturer, telle est la question...

Philosophe, économiste, juriste, le père fondateur de l'utilitarisme s'est essayé à penser l'utilité de la torture dans le monde civilisé. Non pas sous l'angle de la morale, qui ne sait juger de rien, mais celui de l'utilitarisme philosophique, à savoir : aux seules vues des conséquences que cela engendre pour la société qui en fait usage. Et les bénéfices sont grands ! Enfin, aux yeux de notre philosophe, quand il s'agit par exemple de soustraire une information susceptible d'épargner les vies humaines... Un argument, on le voit, qui n'a cessé d'être brandi par les fervents défenseurs d'un ordre qui ne s'embarrasse guère de morale. Certes, il y a quelques embarras à penser qu'il est juste de soumettre à la torture un homme pour s'assurer qu'il est innocent... Mais l'embarras n'est pas bien grand devant la promesse faite de ne l'utiliser qu'à bon escient – ce dont au vrai personne ne sait exactement ce que ce bon escient recouvre... C'est d'ailleurs l'une des complexités soulevées par Jeremy Bentham : a-t-on torturé le bon suspect ? L'information soutirée est-elle valide ? Comment s'en assurer ? Car, alors, la torture ne serait qu'un jeu gratuit ne présentant aucune espèce de rentabilité, s'il s'agissait par exemple de soutirer des aveux falsifiés... Mais Jeremy Bentham ne creuse pas l'argument. Il balaie même l'objection d'un revers négligeant de la main : le "menteur" finit toujours par se trahir, une étude pertinente et pour tout dire lexicale de ses aveux doit permettre de lever tout doute à ce sujet... À ce titre, il faut une sérieuse foi en l'appareil policier pour croire que ce dernier ne peut être tenté de construire des aveux exploitables ou conformes à ses attentes... Au final, lorsque Jeremy Bentham fait la preuve de la puissance de son raisonnement, c'est uniquement quand il se met à penser le fonctionnement logique de la torture – et encore... Il est préférable, observe-t-il, lorsque l'on veut contraindre quelqu'un, et pour des raisons d'efficacité, de substituer la terreur à la douleur... On veut bien. Mais sans douleur, quelle terreur construire ?... Par souci d'efficacité toujours, Jeremy Bentham préconise une douleur aiguë plutôt que chronique. On veut bien toujours, mais quid des durs à cuire ? De même, assure Jeremy Bentham, est-il intéressant de torturer quand la mémoire manque au prisonnier, pour la lui faire revenir... On voit ici se profiler tous les abus possibles… Foin des abus, rétorque Bentham. Car même s'il reconnaît que la torture fait souvent l'objet d'un usage pervers, il suffit d'en légiférer le cadre pour en rendre l'usage somme toute intéressant... Comme de n'employer la torture que lorsque l'on a acquis la certitude qu'elle est justifiée et efficace... Drôle d'argument, empêtré dans un utilitarisme myope dont seule la morale kantienne nous a délivré, au fond, qui est de ne pas prendre l'homme pour un moyen (de connaître la vérité y compris contre lui-même par exemple), mais une fin.

Citation

La torture est à la pharmacie politique ce que le mercure et l'antimoine sont à la pharmacie médicale.

Rédacteur: Joël Jégouzo jeudi 25 octobre 2012
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