Du sang sur l'Histoire

On opéra des fouilles, et bientôt on découvrit, dans un trou de 3 mètres de longueur sur 0 m 40 de profondeur, six cadavres encore chauds, celui d'une femme et ceux de cinq enfants, quatre garçons et une petite fille.
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mercredi 24 avril

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Essai - Policier

Du sang sur l'Histoire

Historique - Assassinat - Faits divers MAJ jeudi 25 octobre 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Franck Ferrand
Avec la collaboration de Marc Fourny
Paris : Flammarion, octobre 2012
300 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-08-128498-2

Les vraies rivières pourpres

Grâce à sa formation d'historien, Franck Ferrand est animateur, sur Europe 1, de l'émission Au cœur de l'histoire et auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation chez XO, Tallandier, Perrin et Flammarion. Il a aussi publié trois tomes de la série "La Cour des Dames" repris en poche chez J'ai lu. Il écrit dans sa dynamique préface : "Dix années d'expérience radiophonique m'ont appris que, bien souvent, de tels sujets se prêtent aisément à la narration. C'est ainsi : les chapitres les plus 'saignants' de notre histoire sont ceux qui retiennent l'attention et marquent la mémoire." Le chroniqueur a donc adapté (avec l'aide de Marc Fourny) "vingt-huit histoires sanglantes que nous avons choisies parmi les succès de cette saison 2011-2012".

Chaque récit fait entre huit et dix pages, précédées d'une petite introduction en italiques, auxquelles on ajoute une conclusion qui globalise l'histoire, la replace dans un contexte et cite généralement une source. Une structure impeccable donc et le style en est très agréable, percutant et bien enlevé. Voilà deux conditions indispensables pour réussir ce genre d'ouvrage. Il n'y a aucune chronologie si l'on se livre à une lecture classique.

Ainsi, Al Capone se retrouve pris en sandwich entre Frédégonde, l'ambitieuse reine franque et le massacre de la Saint-Barthélemy, tandis que l'incendie du Bazar de la Charité (1897) précède Gaston Fébus, le Prince Soleil de la fin du XIVe siècle et Stavisky, "le Madoff des années 1930".

Ce joyeux fourre-tout est certainement voulu : à l'instar des chroniques, il entretient toujours l'attention et pousse à picorer au hasard en fonction de ses goûts. Certaines têtes d'affiche ou épisodes ont déjà été abondamment exploitées (la comtesse Bathory, Gilles de Rais, Landru, Stavisky, Al Capone, les Borgia, Charlotte Corday, la Bête de Gévaudan, la mort d'Émile Zola, le naufrage de La Méduse, le Bazar de la Charité, la Saint-Barthélemy), mais leurs récits n'en constituent pas moins d'excellents condensés.

Plus originaux sont les récits qui abordent des sujets moins exploités en vulgarisation historique comme le tremblement de terre et le tsunami de Lisbonne le jour de la Toussaint 1755 ; le convoi bâché du Donner Party, dont les colons américains croyant prendre un raccourci, se retrouvent bloqués dans le froid de la Sierra Nevada et finissent par devenir cannibales (quarante-six survivants sur quatre-vingt-sept pionniers) ; l'éradication des populations vendéennes entre 1793 et 1796 par les colonnes de la mort du général Turreau qui applique à la lettre les consignes du Comité de salut public, "117000 morts côté vendéen, mais certains historiens estiment qu'il faut a minima doubler ce chiffre, qui recouvre à la fois combattants et civils. Du côté des républicains, on compte 30000 morts" ; la manifestation du FLN qui fut réprimée dans le sang, "le journaliste et historien Jean-Luc Einaudi situe le nombre de victimes entre 300 et 350 - mais il reste difficile à savoir si toutes ont été tuées le 17 octobre 1961" alors qu'officiellement il n'y en avait que deux ; et, enfin, la profanation révolutionnaire des tombeaux de Saint-Denis dont le récit atteint des sommets métaphysiques. "Plusieurs jours durant, on a tiré de leur repos éternel les rois et les reines de France, inhumés là depuis un millénaire, afin de leur faire subir outrages et injures, avant de les jeter dans des fosses communes." Le motif-prétexte était la récupération du plomb qui doublaient les cercueils pour en faire des balles révolutionnaires. Le premier sorti est le maréchal Turenne, puis vient le tour du premier des Bourbon, Henri IV, puis son fils Louis XIII, puis Louis XIV, Marie de Médicis, la reine Marie-Thérèse, "traînée dans son linceul, avant d'être jetée sur les autres corps", Anne d'Autriche, Catherine de Médicis, "sortie de son splendide tombeau et qui finit en loques, l'un arrachant un maxillaire, l'autre repartant avec une jambe noire et décharnée". François 1er est liquéfié, l'odeur est abominable. On remonte dans le temps au fur et à mesure que les violeurs de tombeaux s'enfoncent dans les galeries. Voici Bertrand Du Guesclin, Philippe le Bel, le "squelette couronné" de Philippe Auguste mort en 1223, enfin le tombeau de Dagobert et de la reine Nanthilde. Au total "113 bières profanées, les corps de 25 rois, 17 reines, et 71 princes de sang" remplissent désormais les deux fosses communes.

Voilà donc un ouvrage passionnant dont le motif de couverture (détail du bras de Judith coupant la tête d'Holopherne par le Caravage) n'est pas traité dans le livre. Mais le sang du titre est là. Il faut comprendre, là aussi, comme l'écrit l'auteur, que "ruisseaux pourpres, pluies vermeilles : le très sacré, le très vital liquide irrigue la légende des siècles".

Citation

En vérité, l'incendie du Bazar de la Charité aura agi comme un étonnant révélateur. Toute une société semble s'être effondrée dans les flammes de ce brasier, avec ses codes, ses valeurs et son honneur.

Rédacteur: Michel Amelin dimanche 21 octobre 2012
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