Dictionnaire des assassins et des meurtriers

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Dictionnaire - Policier

Dictionnaire des assassins et des meurtriers

Tueur en série - Assassinat - Faits divers MAJ mardi 02 octobre 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 27,5 €

François Angelier & Stéphane Bou
Paris : Calmann-Lévy, septembre 2012
608 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7021-4306-3

Ceux qui ont tué

Curieux ouvrage que ce dictionnaire qui n'en est pas un et qui mélange assassins véritables, de fiction, de folklore, voire de mythologie. Stéphane Bou, journaliste, producteur et chroniqueur sur France Inter et François Angelier, qui a les mêmes casquettes à France Culture, ont confié à une quarantaine d'auteurs le soin d'écrire des textes sur l'assassin de leur choix avec cet objectif inséré dans l'avant-propos : "Il ne s'agit pas seulement de raconter une histoire [...] mais de proposer autant que possible une analyse, de défendre une thèse, de composer un portrait critique, d'élucider une mythologie. Là est la question essentielle : en quoi un meurtre provoque-t-il une stupeur qui donne à penser ?" Tout ça en six pages. Nous ne sommes plus dans le registre anecdotique d'un autre Dictionnaire des assassins, celui de René Réouven publié chez Denoël en 1974. Ici, après avoir expédié les faits en deux pages, les contributeurs donnent donc à penser. Ils sont psychiatres, professeurs d'université en philosophie, histoire ou lettres, hellénistes, germanistes, écrivains, dramaturges, metteurs en scène, documentariste, jusqu'à Pacôme Thiellement "qui écrit des essais d'inspiration théophanique, herméneutique et burlesque sur la pop et gnose" et dont le texte sur Mark David Chapman, l'assassin de John Lennon, est un total délire.

Au sommaire, quelques classiques : Bonnot, curé d'Uruffe, docteur Holmes, Marie Lafarge, Landru, Charles Manson, Violette Nozière, les sœurs Papin, Pranzini, Troppmann et Vacher, auxquels on ajoute les encore plus classiques Judas, Oreste, Médée, Caïn. Modernité oblige, sont venus les rejoindre les étudiants tueurs de Columbine et celui de Virgina Tech, ceux des moines de Tibhirine, les deux enfants anglais Venables et Thompson qui ont enlevé un plus petit pour l'assassiner, Michel Fourniret, Guy Georges, Jean-Claude Romand... et les personnages fictionnels : Max Aue le narrateur des Bienveillantes, de Jonathan Littell ; Patrick Bateman de Bret Easton Ellis ; Hannibal Lecter, M le Maudit, Jekyll/Hyde, Dracula, Fantômas, les "quatre scélérats" de Saló ou les 120 journées de Sodome et même les héros de séries Jack Bauer et Dexter ! Nous sommes donc plus dans un essai sur la figure de l'assassin que dans une galerie de portraits, et nos intellectuels vont mettre à profit leurs connaissances pour enrichir le fait divers. Quelques fois, le style est dense, voire trop spécialisé, comme dans le chapitre "Esclave" (de Hengel) par Marianne Dautrey. Dans "La Bête du Gévaudan", Michel Meurger résume l'histoire puis examine les publications qui suivirent en analysant leurs théories, mais on perd la fil conducteur avec cette multiplication. Certaines contributions, comme celle sur les tueurs du lycée de Columbine, débouchent sur des analyses socio-psychologiques grâce aux produits dérivés comme le film Elephant ou le jeu vidéo facilement téléchargeable - les auteurs donnent même l'adresse - intitulé Super Columbine Massacre RPG ! Autre exploitation : en 1869, le jeune Troppmann, dix-neuf ans, tue huit personnes d'une même famille au cours d'un vaste plan d'escroquerie. Cette affaire lance le Petit Journal. Dominique Kalifa indique que le jour de l'exécution, le titre culmine à 594 000 exemplaires. Il met aussi l'accent sur ces nouveaux journalistes qui se déplacent et enquêtent, tout en stipulant que "Le Crime de Pantin" est le premier à toucher une "nouvelle banlieue" et que "l'haussmannisation inaugure à Paris un mouvement de gentrification qui repousse peu à peu dans ses banlieues les indésirables et les classes dangereuses". Plus proche de nous, Daniel Zagury a été l'un des psychiatres qui a examiné Michel Fourniret, son texte est donc primordial. Grâce à lui, on pénètre dans la psyché du tueur, exalté par la virginité. "De tous les tueurs en série que j'ai expertisé, Fourniret est le seul à revendiquer ses actes au nom du bon, du bien et du dessein de la nature". Outre la matérialisation de la virginité (Fourniret parle de "l'anneau magique" frontière entre la pureté absolue et la souillure, ou "entre la madone intacte et la pourriture"), le psychiatre détaille son processus mental, son cérémonial et surtout la sérialité qui va suivre puisque chaque expérience est forcément décevante : "Convoquée afin d'incarner son fantasme le temps de l'acte, la malheureuse victime sort du monde des vivants pour devenir son objet, sa production et le fruit de son imaginaire. » Un texte fort dérangeant pour les non-professionnels habitués à plus d'empathie pour les victimes.

En conclusion, ce dictionnaire est fait pour être lu par petits bouts par un public universitaire. Son ambition est grande avec ce mélange de cas réels, de personnages inventés et de mythes traités par des auteurs aussi variés. Ajoutons aussi qu'une bibliographie est jointe à chaque cas. N'aurait-il pas fallu restreindre pour plus d'efficacité ? Même si l'analyse des assassins de fiction (ou de mythologie) peut s'avérer littérairement (ou psychanalytiquement) efficace, il n'en est pas moins vrai que, comme le dit justement le psychiatre Daniel Zagury dans le chapitre sur Dexter qu'il y a un "gouffre qui sépare les assassins que j'ai rencontrés des personnages fictionnels".

Citation

Il est étrange qu'Holmes soit considéré comme le premier tueur en série de l'histoire du crime aux États-Unis car il n'en a pourtant pas l'une des caractéristiques essentielles, le nomadisme.

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 28 septembre 2012
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