Dommages collatéraux : l'héritage de John Fante

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Mémoires - Noir

Dommages collatéraux : l'héritage de John Fante

Social - Road Movie - Drogue MAJ jeudi 13 septembre 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,5 €

Dan Fante
A Family's Legacy of Writing, Drunking et Surviving - 2011
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Annie-France Mistral
Puzol : 13e Note, avril 2012
446 p. ; illustrations en noir & blanc ; 18 x 14 cm
ISBN 978-2-36374-027-4

Tu seras un homme, mon fils !

Dan Fante est sans aucun doute le plus français des écrivains américains. Son premier livre, Rien dans les poches, a été publié directement par Robert Laffont en 1996 sans passer par un éditeur américain. On peut dire qu'il a eu de la chance, Danny Boy ! Sans cette publication inespérée, il serait sans doute retourné à ses vieux démons alcoolisés et suicidaires. Il faut dire que Danny revient de loin. C'est cette descente aux Enfers suivie d'une rédemption par l'écriture que raconte Dommages collatéraux, une autobiographie comme on est incapable d'en écrire en France, pays de la République des Lettres et des intellos chiants. En Amérique, tout le monde peut devenir écrivain ; inutile de passer par la Sorbonne ou Saint-Germain-des-Prés. Bukowski était facteur, alcoolo au dernier degré, et ça ne l'a pas empêché d'avoir du talent et de semer sa zone partout où il passait. Chez nous, par contre, les facteurs restent ce qu'ils sont et c'est bien dommage pour la littérature.

Revenons à Dan Fante. Dans la famille Fante, il y a le grand-père, émigré italien, le père, scénariste pour Hollywood et auteur du fameux Demande à la poussière, et le fils, Dan, un propre à rien maniaco-dépressif comme ses deux ascendants et qui va mener, jusqu'à quarante-cinq ans environ, une vie tellement démente qu'on se demande encore par quel miracle il a pu échapper au pire. Dan aura tout bu et tout fumé dans sa vie. Son corps est une poubelle où se déverse la haine de soi. Et il s'en sert aussi quand, à bout d'argent, il se prostitue au premier venu pour s'acheter une bouteille de Mad Dog, un vin sirupeux qui achèverait sur place n'importe quel diabétique.

Pour Dan, tout commence en 1944, l'année de sa naissance. À cette époque, son père travaille déjà depuis un bon bout de temps pour Hollywood – mais il fait surtout ça pour vivre et élever sa famille ; son ambition est d'être reconnu pour ce qu'il est, un écrivain authentique. Seulement, le sort en décidera autrement et toute sa vie John Fante ne cessera de nourrir des sentiments ambivalents à l'égard d'Hollywood qui lui aura assuré une carrière tout en l'obligeant à revoir au rabais ses ambitions littéraires. C'est dans ce contexte particulier que va grandir Dan Fante. D'un côté, une mère aimante et cultivée, une belle maison à Malibu (un des quartiers chic de Los Angeles) ; de l'autre, un père colérique et talentueux, qui se bat avec ses propres démons sans jamais en voir le bout.

À la fin de son adolescence, Danny va prendre la tangente, d'abord en travaillant dans le milieu des forains (extraordinaire témoignage qui n'est pas sans rappeler le fameux film Freaks), puis en prenant la route 66 pour New York où il va faire trente-six métiers, de représentant de commerce à chauffeur de taxi en passant par détective privé ou marchand ambulant, le tout sur fond de guerre du Vietnam, de mouvement hippie et de manifs pour les droits civiques. Danny a deux passions : la bouteille et l'écriture. Mais il n'aime pas ce qu'il écrit, parce qu'il ne s'aime pas. Plus tard, au bout d'une énième cure de désintoxication, il découvrira enfin la voie de l'écriture et de la rédemption. Mais avant d'en arriver là, il lui faudra passer par bien des tourments, où le désir de se détruire se dispute à celui de devenir quelqu'un, et non pas seulement le fils de John Fante, enfant mal aimé qui se rapprochera de son père quand celui-ci n'aura plus que quelques mois à vivre.

Voilà un livre touchant, servi par des qualités de conteur inégalable. Dan Fante n'a pas son pareil pour gagner à lui l'empathie du lecteur. Pourtant, il ne sombre jamais dans le misérabilisme et préfère plutôt se concentrer sur cette force étrange qui l'habite, à la fois morbide et pleine de vie, et qui le pousse à agir et à devenir écrivain. Une fois de plus, 13e Note nous offre un livre magnifique comme on n'en écrira jamais en France !

Citation

Ce qui me pousse à écrire, ce n'est pas l'envie de changer le lecteur, mais plutôt de lui faire savoir qu'il peut changer. J'écris sur la vie, sur la mort, sur l'amour et toutes les façons de le gâcher – et d'en réchapper.

Rédacteur: Pascal Hérault mardi 11 septembre 2012
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