Histoires vraies sur les rails

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vendredi 19 avril

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Essai - Policier

Histoires vraies sur les rails

Historique - Braquage/Cambriolage - Faits divers MAJ jeudi 24 mai 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20,5 €

Patrick Eris
Villeveyrac : Papillon rouge, mai 2012
288 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-917875-28-5
Coll. "Histoires vraies"

Dérapage d'un symbole phallique

Thomas Bauduret*, né le 22 octobre 1963 à Paris, est traducteur de nombreux titres policiers et surtout de science-fiction dont les séries "Bobby Pendragon", de D. J. MacHale ou encore "Star Wars". Sous le pseudonyme de Patrick Eris, il écrit des romans et dirige des anthologies fantastiques aux éditions Malpertuis (hommage à Jean Ray) dont il est le coéditeur. Le voici auteur d'un recueil "ferroviaire" chez un éditeur spécialisé dans les histoires vraies déclinées par région ou thème.

Tous les amateurs de romans ou de films policiers connaissent le pouvoir de séduction du train sur l'intrigue. Nous ne citerons qu'Alfred Hitchcock, Patricia Highsmith, Agatha Christie, et surtout Freeman Wills Crofts qui, des années 1920 aux années 1940, a combiné ses énigmes et notamment ses alibis avec les déplacements en train figés par les horaires. Car c'est toute la magie du train : les personnages, enfermés, se déplacent sur de longues distances alors que le temps est lui-même enfermé dans des horaires définis et contrôlables.
Nimbé d'un fort symbolisme technique et social (n'oublions pas la psychanalyse), le train est donc un motif majeur. Et ce n'est pas un hasard si Patrick Eris choisit en majorité des affaires criminelles dans son recueil. Celle qui correspond le plus aux énigmes classiques de F. W. Crofts est celle de Laetitia Toureaux, une jeune femme seule dans une rame de métro, poignardée, et retrouvée par six personnes en 1937 à la porte de Charenton. Cette jeune fille coquette aurait-elle maquillé son suicide en meurtre ? Il faut dire que les enquêteurs limitent le temps d'action du meurtrier à deux minutes pour tuer et se volatiliser entre deux stations remplies de témoins. L'énigme s'épaissit quand on apprend que la jeune fille était au service de détectives privés travaillant pour des patrons. Elle aurait espionné des syndicalistes dans les guinguettes ! Certains penchent pour un assassinat de la Cagoule : Laetitia Toureaux en savait trop...

Autre énigme, celle du Conseiller Prince qui voulut impliquer des politiques dans l'après scandale de l'affaire d'escroquerie Stavisky. En février 1934, juste un mois après la mort de l'escroc "suicidé... de deux balles dans la tête", Albert Prince, conseiller à la Cour d'Appel de Paris et dirigeant la section financière du parquet, obtient "à l'arraché, un rendez-vous avec le premier président de la Cour de Cassation, M. Lescouvé". Or, la veille, il est attiré par un faux coup de téléphone l'avertissant d'une opération d'urgence de sa vieille mère à Dijon. Il disparaîtra de son hôtel et sera retrouvé décapité et déchiqueté sur la voie. Le garde des Sceaux va nommer le sulfureux inspecteur Bonny sur l'enquête... À noter que Bonny ne fut pas décapité pour collaboration en décembre 1944, comme l'écrit Patrick Eris dans sa dernière page, mais fusillé.

Outre ces deux histoires, on retrouvera deux autres très célèbres affaires ferroviaires : le fameux assassin Jud qui inspira Fantomas et le meurtre du préfet Barrême. À découvrir, l'incroyable affaire Hoyos en 1888, avec escroquerie à l'assurance et substitution d'identité de cadavre, et quelques hold-up dont celui du train d'or en 1928 et celui du Périgueux-Bordeaux par le maquis en 1944.

Patrick Eris se lance aussi dans un très pédagogique historique du rail en France ainsi que dans des récits de catastrophes, dont la première est datée du 8 mai 1842 : fête du roi Louis-Philippe célébrée par le spectacle populaire des Grandes Eaux à Versailles. Revenant de la fête, Un déraillement suivi de l'incendie des wagons du côté de Meudon font cinquante-cinq morts et d'innombrables blessés. Plus horrible, le 612, train des permissionnaires ramenant "les Poilus d'Italie" le dimanche 12 décembre 1917 et dont les freins lâchent dans la terrible descente de Modane vers Saint-Michel-de-Maurienne. Des soldats sautent ou sont éjectés avant le terrible déraillement des wagons de bois qui s'enflamment. Au total 675 morts sur neuf cents soldats, et personne ne connaîtra cette tragédie car la censure militaire veille.

Voilà donc un ouvrage très agréable, non chronologique mais bien pensé, hélas sans bibliographie, bien illustré qui, sur une thématique précise, balaie l'histoire française de 1888 (Affaire Hoyos) à 1983 (trois légionnaires jettent un jeune Algérien d'un train). Patrick Eris reste bien sur ses rails et file à bonne vitesse.

* Thomas Bauduret est également chroniqueur sur notre site. Nous laissons à chacun d'entre vous de juger de son talent, mais ne saurions être taxés de favoritisme...

Citation

C'est un véritable train fantôme surgi de l'enfer qui traverse la gare de La Praz, laissant derrière lui un sillage de cadavres disloqués.

Rédacteur: Michel Amelin mercredi 23 mai 2012
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