Karoo

Il rechargea son arme, se glissa hors de la ruelle, et s'assura que les corps dans la rue et sur le trottoir ne bougeaient plus.
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Roman - Noir

Karoo

MAJ mercredi 28 mars 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Steve Tesich
Karoo - 1998
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne Wicke
Toulouse : Monsieur Toussaint Louverture, février 2012
608 p. ; 20 x 14 cm
ISBN 978-2-9533664-9-5

La flacon et l'ivresse

Karoo, son boulot c'est de réécrire les films ou de les remonter pour faire d'un mauvais film un film correct, d'un film moyen un bon film et d'un chef d'œuvre... un navet au succès commercial garanti. Karoo son problème c'est son étrange maladie : il enchaîne les verres sans jamais en sentir l'ivresse. Karoo son problème c'est de fumer cigarette sur cigarette. Karoo son problème c'est qu'il fuit comme la peste son fils adoptif tout en étant persuadé de l'aimer comme un père. Karoo son problème c'est qu'il est bourré de problèmes. Mais Karoo est un homme libre puisqu'il n'a pas de complémentaire santé. Karoo se rassure comme il peut.
Les éditions Monsieur Toussaint Louverture, après avoir publié Le Dernier stade de la soif nous dégotent un autre chef d'œuvre. Un livre au cynisme effroyable où chaque scène plonge le lecteur dans un état où il hésite entre le rire et la haine envers ce personnage. C'est le cas lorsque Saul Karoo se rend à une visite médicale où il est atterré et scandalisé parce que la vie (et accessoirement l'infirmière qui l'ausculte) lui a volé deux centimètres, c'est également le cas lors de ces mises en scènes de repas avec sa quasi ex-femme (quasi parce qu'il faudra bien qu'il divorce officiellement). Il y a de la Conjuration des imbéciles dans ce roman, il y a pas mal d'autres choses aussi. Beaucoup d'autres choses : l'histoire d'une déchéance, d'un New-Yorkais qui a "un terrible problème avec la vérité" parce qu'il ne peut pas "imaginer ce qui va arriver une fois qu'on l'a énoncée". L'histoire d'un homme enfermé dans son personnage d'alcoolique, obligé d'en imiter les symptômes pour ne pas décevoir, un personnage en complet décalage avec ses proches qu'il observe comme un mathématicien jette un œil à une équation simple qu'il n'a pas envie de résoudre : "Je n'étais plus, me rendis-je compte, un être humain [...] J'étais devenu, au lieu de ça, un nouvel isotope d'humanité qui n'avait pas été encore isolé ou identifié [...] J'étais l'une des balles perdues de notre époque." Alors il se laisse glisser et contemple sa chute en essayant vaguement de se raccrocher à des souvenirs de branches, en continuant à regarder de haut ce monde tout en étant conscient d'avoir les deux pieds dans la merde. Il s'enfonce, mais avec un certain panache : "Essayer d'être drôle avec Bickerstaff était une complète perte de temps, mais comme lui parler était de toute façon une perte de temps, je me disais, autant perdre mon temps dans une entreprise un peu stimulante."

Karoo est un livre extrêmement drôle, un livre puissant, un livre qui gratte et qui fait mouche. Pour ne rien gâcher, comme pour Le dernier stade de la soif, monsieur Toussaint Louverture nous gratifie d'une maquette magnifique et n'ayez pas peur de ses six cents pages, elles s'avalent d'une traite et, à moins que vous ne souffriez des mêmes symptômes que son personnage principal, il y a des chances qu'elles vous enivrent. Le flacon et l'ivresse, on vous l'a dit.

Citation

Il créait l'impression qu'il pouvait me regarder droit dans les yeux et me lécher le cul en même temps sans difficulté majeure ni grand désagrément pour lui-même.

Rédacteur: Gilles Marchand jeudi 22 mars 2012
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