Lune captive dans un œil mort

Écoutez, en ce monde de terreur et de violence, il doit rester un endroit, si petit soit-il, où la justice et l'humanité sont préservées. Faites comme vous voulez, mais j'aimerais que cet endroit soit celui-ci.
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vendredi 29 mars

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Roman - Noir

Lune captive dans un œil mort

Psychologique MAJ vendredi 30 décembre 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit



Prix: 16,5 €

Voir plus d'infos sur le site polarmag.fr (nouvelle fenêtre)

Pascal Garnier
Paris : Zulma, janvier 2009
160 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-84304-465-6

Actualités

  • 17/05 Édition: Lune captive en poche...
  • 06/05 Télévision: Mai sera Garnier sur France Télévision
    On savait les projets engagés depuis longtemps : deux des romans que Pascal Garnier a publiés chez Zulma, Comment va la douleur ? (2006) et Lune captive dans un œil mort (2009), étaient en cours d'adaptation pour le petit écran - l'un pour France 2, l'autre pour France 3. L'on va enfin pouvoir découvrir ce qu'il en sera résulté car les deux téléfilms vont être diffusés ce moi-ci à quelques jours d'intervalle...

    Le vendredi 13 à 20 h 35 France 2 diffuse Comment va la douleur ?. L'adaptation est signée Sylvie Simon, la réalisation François Marthouret. Les dialogues ont été co-écrits par Sylvie Simon et Pascal Garnier. Pour avoir eu la chance de voir le téléfilm en avant-première, je puis témoigner que cela s'entend délicieusement ; grâce à ces précieuses parcelles dont certaines sont probablement tirées telles quelles du roman, on retrouve à l'écran, dans la bouche d'interprètes magnifiques*, l'ineffable saveur de l'écriture de Pascal Garnier, aux notes à la fois désespérées, drôles, cyniques, sombres avec des points de lumière, cruelles et pleines de tendresse. Je dois cependant confesser que j'ai été un peu déçue par le passage du texte qui suggère à l'image qui explicite. Reste que le film transpose fort bien la part narrative du roman, et le montage restitue assez justement, m'a-t-il semblé, le rythme très particulier de l'écriture de Pascal Garnier aux riches silences.
    * Distribution :
    Bernard Le Coq (Simon), Thomas Coumans (Bernard), Pauline Étienne (Fiona), Catherine Mouchet (Rose) et Christine Murillo (Anaïs).
    Tous les interprètes sont magnifiques ai-je écrit. Mais je voudrais saluer tout spécialement Thomas Coumans. Après l'avoir vu interpréter Bernard, je ne peux plus, en lisant le roman, imaginer le personnage sous d'autres traits, avec une autre voix...

    Le mardi 24 à 20 h 35 c'est au tour de France 3 de se mettre à l'heure Garnier en diffusant La Résidence, réalisé par Laurent Jaoui avec dans les rôles principaux Michel Jonasz, Guy Marchand, Nicole Calfan et Marthe Keller.
    La distribution est là encore alléchante. Le réalisateur a choisi de ne pas conserver le titre du roman ; jusqu'à quel point se sera-t-il écarté du texte ? Pour moi, la découverte sera totale et je suis impatiente de voir comment Laurent Jaoui aura capturé l’œil mort qui reflétait la lune...
    Liens : Comment va la douleur ? |Pascal Garnier

  • 03/10 Librairie: Découvrir les peintures de Pascal Garnier
  • 06/06 Auteur: Lyon : Rencontre avec Pascal Garnier
  • 03/04 Exposition: Vienne : Pascal Garnier expose à la librairie Lucioles
  • 05/03 Prix littéraire: Première sélection du prix Ouest-France Étonnants Voyageurs 2009

Marketing, quand tu nous mens...

Pascal Garnier a une façon bien particulière de laisser flotter à quelque distance de son orbite légitime l'œil d'un cadavre et d'y faire jouer le reflet de la lune. C'est d'un macabre unique : glauque, poétique et drôle. Il y a là presque toute l'essence de ce roman, lequel est un bijou et sa lecture jubilatoire. Mais ces phrases sont beaucoup trop plates pour le bien servir. En développant un peu, les choses devraient s'arranger…

Ça s'appelle "Les Conviviales". C'est dans le Sud. C'est tout neuf et ça vient de sortir de terre. Ça vous sourit toutes photos dehors dans des prospectus aux couleurs vives. Et ces descriptifs qui vous font de l'œil comme s'ils vous draguaient... C'est une résidence k-librée pour tomber les jeunes et riches retraités comme un séducteur l'est pour tomber les filles : du soleil, de l'ordre – ah ! la parfaite géométrie des allées bien droites, des maisons-toutes-pareilles… – et de la sécurité – palissade grillagée tout autour, caméras vidéo, et gardien-régisseur à plein temps. Comme le nom de la résidence l'indique tout est prévu pour satisfaire l'appétit d'activités et de sociabilité des futurs résidents-propriétaires : il y a un club-house et sa secrétaire-animatrice, ainsi qu'une piscine.
Quand on arrive en premier, ce lotissement a bien triste mine, surtout sous la pluie. Il faut s'acclimater ; trouver ses marques, s'habituer à cet environnement lisse où même les brins d'herbes semblent avoir été tracés avec une règle et un crayon. Le club-house n'est pas ouvert, il n'y a pas de secrétaire-animatrice en vue, et la piscine est vide. Martial a un peu le cafard. Odette se dépense sans compter pour la décoration de leur nouvelle maison. Si les Sudre avaient su, peut-être qu'ils n'auraient pas quitté Suresnes pour le Sud. Quand arrivent les Nodre – Maxime et Marlène – cela met un peu d'animation ; on commence à se fréquenter entre voisins. Et l'on jase d'abondance sur la future résidente attendue. Léa. Une femme seule. Les voilà désormais cinq, ces "Conviviaux" : le club-house peut ouvrir et Nadine entrer dans sa fonction d'animatrice. Tout est bien. Sauf que… Il y a la mouche d'Odette ; les absences de Léa ; le Régis adoré de Marlène ; les pétards de Nadine, les fantasmes cynégétiques de Martial… Par-dessus tout ça l'ombre de Monsieur Flesh, le gardien-régisseur pas causant, aussi avenant qu'un dogue et qui, à lui seul, permettrait sans doute de faire l'économie du dispositif de sécurité.
Lentement, tel un fioul visqueux s'échappant des soutes d'un supertanker échoué par dix mètres de fond puis venant crever la surface des vagues, à coups de petites perfidies et de remarques désobligeantes lâchées après un verre de trop, les noirceurs humaines montent, montent… gagnent le récit jusqu'à sa diffraction quand éclate un coup de feu. On ne l'avait pas vu venir, celui-là… enfin, pas comme ça en tout cas.

Il faut dire que Pascal Garnier, outre l'art consommé de tailler son récit pour un suspense optimal alors que ne sont évoqués que de petits faits quotidiens – aller faire les courses, jouer au golf, préparer un barbecue… – cultive celui de prendre en défaut la propension des lecteurs à anticiper. Ne seront-ils pas nombreux à imaginer que va débuter quelque escroquerie mafieuse en lisant que l'agent immobilier chargé de vendre les pavillons des "Conviviales" s'appelle Dacapo ? Cette résidence surprotégée n'a-t-elle, aussi, de vieux airs de Village – celui où un certain Numéro 6 crie à qui veut l'entendre qu'il n'est pas un numéro et qu'il est un homme libre ? Tout au long du récit sont ainsi jetés des appâts incitant à projeter sur le récit tels événements à venir – qui n'adviennent pas. Ça glisse et se dérobe dans un rideau de fumée… mais l'on est ferré.
Plus encore que la construction, parfaite jusque dans les silences qu'elle maintient autour des personnages, c'est l'écriture, distillant un humour délicieusement grinçant, qui procure d'indicibles jouissances. Le ciel nocturne piqueté d'étoiles ? C'est un grand rideau bouffé aux mites, une dentelle de mensonge. Ce patient entrevu dans la salle d'attente d'un médecin ? Un vieillard racorni, écrasé sur sa chaise comme un mégot. Il y en a des comme ça presque à chaque page ! Oui, décidément, Lune captive dans un œil mort est un bijou. Pardon de ne pas trouver mieux à dire…


On en parle : Au bord du noir n°11 |La Vache qui lit n°111 |La Tête en noir n°151

Nominations :
Prix des lecteurs Ancres noires 2010

Citation

Tu vois, on peut imaginer mille choses, c'est encore autre chose qui arrive.

Rédacteur: Isabelle Roche jeudi 22 janvier 2009
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