Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du polonais par Charles Zaremba
Paris : Gallimard, mai 2011
306 p. ; 22 x 16 cm
ISBN 978-2-07-012248-6
Coll. "Série noire"
Polar traditionnel et polonais
Herr Kriminalrat Eberhart Mock doit faire face à un tueur en série et à une crise matrimoniale. Marek Krajewski propose la seconde enquête (dans l'ordre d'écriture) de son atypique héros dans le Breslau de l'année 1927.
C'est sur son lit de mort, à New York, que Mock raconte à un ami son histoire avec Sophie, sa première épouse. Elle a vingt-cinq ans, il en a quarante-quatre. Il continue de mener l'existence de bon vivant qu'il a toujours vécue, partageant son temps entre l'ingestion immodérée d'alcool, les amis, les repas et son métier chronophage de flic.
Mock rentre chez lui, bien alcoolisé, mais décidé à accomplir son devoir conjugal. Sophie le renvoie : "... va baiser tes collègues". Il passe une partie de la nuit dans son bureau avant de revenir pour trouver la porte de sa chambre fermée.
Un cadavre est découvert, emmuré dans un réduit. Le corps est attaché à la muraille. Une feuille de calendrier indique le jour de son enfermement. Sophie cherche le réconfort et la vengeance, près de son amie Elisabeth. Elles fréquentent le baron von Hagenstahl pour des jeux pervers. Il est adepte d'une secte dont le gourou prédit la fin du monde.
Un second cadavre, dépecé, est retrouvé avec une feuille de calendrier. Mock emploie un agent à surveiller son neveu qu'il soupçonne de mauvaises fréquentations et un autre à suivre les faits et gestes de son épouse. Un troisième corps, celui d'un conseiller municipal est découvert pendu, vidé de son sang, dans un lupanar. Le "Tueur au calendrier" frappe des individus sans liens entre eux. Mock devra fouiller l'histoire ancienne de Breslau pour comprendre la logique de l'assassin...
Avec Eberhart Mock, Marek Krajewski ressuscite le flic alcoolo-macho qui a fait le bonheur du polar (et du film policier) des années 1950-1960. On retrouve les lieux interlopes, la consommation d'alcools, les filles victimes ou les femmes fatales et la corruption patente à tous les niveaux de la société.
Le conseiller criminel Eberhart Mock est absolument incontrôlable. Il est capable du meilleur, il a du flair, de l'intuition et a résolu quelques affaires épineuses. Il est capable du pire, de faire le coup de poing sans raison, torturer les suspects, confondre vie privée et vie professionnelle, ses affaires et celles de la ville qui l'emploie. Il ressemble plus à une brute alcoolisée, mais se targue de lire les humanistes grecs, de connaître les poèmes de Sénèque… Marek Krajewski fait de son héros un personnage excessif, un des "ogres" qui brûlent leur vie par les deux bouts. Malgré ses excès, il trouve un appui relativement bienveillant auprès de son chef, Heinrich Mühlhaus.
L'auteur propose la découverte de Breslau, presque l'héroïne du roman, à l'époque où la ville et sa région faisaient partie de l'empire allemand. C'est la période où elle s'étend, annexe des villages limitrophes, construit des nouveaux quartiers périphériques pour une population en croissance. Ce n'est qu'en 1945, par les accords de Potsdam, qu'elle redevient polonaise sous le nom de Wroclaw. Le régime communiste a gommé, pour les jeunes générations, toute l'histoire pendant la période allemande de cette région. Il est intéressant de noter cette volonté, par un auteur né après-guerre, de retrouver ses racines, même s'il les décrit sous des dehors peu reluisants. En effet, la ville en développement est l'enjeu de toutes les convoitises. On y retrouve l'atmosphère du Berlin de cette époque où le crime et la prostitution règnent en maîtres.
Le ton du roman est âpre, l'auteur ne faisant pas dans "la dentelle". Le choix de la saison, le style narratif, la fréquentation des bas-fonds, renforce le côté noir de l'enquête.
Fin du monde à Breslau est un polar crépusculaire, au récit prenant, fort, à l'atmosphère lourde, qu'il n'est pas recommandé de lire par une soirée pluvieuse de novembre, mais qui vous hante longtemps après avoir refermé la dernière page.
Citation
La fille assassinée, égorgée comme une bête à l'abattoir, n'avait donc été pour lui qu'un corps sans nom, l'un des nombreux réceptacles sordides où les riches et les pauvres de cette ville déversaient leurs frustrations et leur semence dont rien ne naîtrait jamais.