Le Cadavre anglais

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mardi 19 mars

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Roman - Policier

Le Cadavre anglais

Historique - Énigme MAJ vendredi 30 décembre 2011

Note accordée au livre: 3 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8,6 €

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Jean-François Parot
Paris : 10-18, décembre 2008
432 p. ; 18 x 10 cm
ISBN 978-2-264-04777-9
Coll. "Grands détectives", 4169
Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, 7

Ce qu'il faut savoir sur la série

Nicolas Le Floch vit dans la seconde moitié du XVIIIe siècle – il est né en 1740. Originaire de Guérande, il est un enfant trouvé adopté par le chanoine Le Floch. Il apprendra dès la fin du premier volet qu’il est en réalité le fils naturel du marquis de Ranreuil, dont il pensait n’être que le filleul. Il est donc le demi-frère d’Isabelle de Ranreuil, dont il était profondément épris… Il comprend alors pourquoi son supposé parrain a mis tant d’empressement à l’éloigner de sa fille, en lui fournissant de solides recommandations pour qu’il puisse aller s’établir à Paris. Voilà donc Nicolas arrivant dans la Capitale aux environs de 1760, où il sera reçu par le lieutenant général de police du roi, M. de Sartine. Son esprit vif, sa droiture et son dévouement au trône sont tout de suite appréciés ; la résolution d’une première affaire fort délicate lui vaut l’estime de son supérieur… et d’avoir ses entrées dans les espaces privés des souverains. Nommé commissaire au Châtelet, il sera plus particulièrement attaché aux "affaires spéciales" - en d’autres termes celles qui touchent de près ou de loin à la sécurité du royaume.
De volume en volume l’Histoire suit son cours et les personnages récurrents vieillissent ; l’effet de série est particulièrement soigné - l’on a donc tout intérêt à lire les romans dans leur ordre de parution, tant pour saisir la dynamique des événements réels évoqués que pour ressentir au plus juste la façon dont les personnages évoluent. Mais chaque récit fonctionne aussi comme une unité autonome qui peut ainsi attirer à la série son lot de néo-lecteurs.
Au plaisir de suivre des enquêtes policières tout en rebondissements qui mettent en valeur les capacités de raisonnement du commissaire au Châtelet et les aides précieuses que lui apportent ses acolytes – l’inspecteur Bourdeau, le chirurgien de marine Semacgus, le bourreau Sanson préposé aux "ouvertures" des corps, sans oublier son logeur, l’ancien procureur Aimé de Noblecourt – se joint celui de découvrir le Paris du Siècle des Lumières, que l’auteur ressuscite de très vivante manière.

Publiés d'abord chez Jean-Claude Lattès, les livres sont réédités en format poche dans la collection "Grands détectives" des éditions 10/18.

Un cadavre pas vraiment exquis

... bien que les morceaux épars de l'énigme telle qu'elle se présente de prime abord aux yeux de Nicolas Le Floch puisse évoquer ce curieux exercice consistant à abouter des phrases à des mots dont on a caché le texte dont ils procèdent – d'autant que, d'entrée de jeu, un bout de papier portant un message chiffré est de la partie. Et puis... le fameux cadavre, avant même de se révéler "anglais", montre un bien avenant visage une fois terminée la reconstruction que l'on a demandée au pastelliste Lavallée qui, à partir des traits convulsés et roidis par la mort, parvient à recomposer le portrait d'un agréable jeune homme aisément reconnaissable par tous ceux qui l'auraient côtoyé. Mais n'anticipons pas : avant que les enquêteurs en arrivent à solliciter un pastel d'identification, l'énigme a déjà mis à la torture la sagacité de Nicolas Le Floch et de son fidèle compagnon l'inspecteur Bourdeau.
Tout commence par une nuit bien trop sombre de février 1777 : aux abords de la prison du Fort-L'Évêque, les réverbères de la rue Saint Germain l'Auxerrois ne sont pas allumés comme ils le devraient. Passant par là pour se rendre au Grand Châtelet, Nicolas croise une étrange voiture à la fenêtre de laquelle apparaît une face masquée que, pourtant, il croit reconnaître. Et à peine a-t-il gagné son bureau qu'il est requis au Fort-L'Évêque : le cadavre d'un prisonnier qui tentait de s'évader vient d'être trouvé par le guet. L'affaire se présente, d'emblée, comme "extraordinaire" : le gouverneur de la prison ne sait rien de son prisonnier sinon qu'il bénéficiait d'un régime de détention privilégié, les causes de la mort ne sont pas celles que montrent les apparences, un message chiffré est récupéré dans une anfractuosité de la cellule du défunt…
Au fur et à mesure qu'il investigue, Nicolas a la très nette impression que l'on s'ingénie à lui tirer le tapis sous les pieds ; rien ne s'ajuste, tout ce qu'il croit percevoir est comme gauchi, déformé. Jusqu'à l'attitude de Monsieur de Sartine qui ne laisse pas de l'intriguer… Il finit par découvrir que le cadavre est celui d'un jeune artisan horloger anglais impliqué dans les recherches menées pour perfectionner le calcul des longitudes, que l'État français a mis en place une machination retorse pour piéger les services secrets anglais… mais il lui faudra consentir à envisager son enquête selon une tout autre perspective pour qu'enfin les choses aient l'air de ce qu'elles sont.
Entre le 8 et le 20 février, la véritable et triste histoire du jeune horloger livre ses derniers secrets. Dans le même temps, mandé à Versailles, Nicolas a tiré la Reine des griffes d'une intrigante sans scrupules et a élucidé l'énigme d'un très embarrassant cadeau qui aurait pu virer à l'incident diplomatique. Admirable célérité pour un homme qui, presque quadragénaire, est plus enclin que jamais à revenir sur son passé, à s'enliser dans les débats sentimentaux, et qui doit s'adapter au nouveau souverain…

Pour des raisons qu'il est inutile de détailler, je me suis trouvée à lire, en quelques semaines et à la suite les uns des autres, quatre des sept romans de la série. M'ont alors sauté aux yeux des choix de composition et des motifs narratifs qui reviennent avec une telle régularité et une telle fréquence qu'ils donnent l'impression de constituer un véritable système d'écriture auquel le romancier semble se plier sans y déroger – par exemple les digressions gastronomico-culinaires ou les retours en arrière entrelardant les méditations du héros. Puisque l'on en est aux motifs, il pourrait être amusant - et instructif – de se pencher sur la place que tiennent, dans ces récits, les trajets en voiture : soit que Nicolas les mette à profit pour méditer et se souvenir, soit qu'ils occasionnent de ces péripéties dignes des meilleurs feuilletons, ils sont parmi les pièces maîtresses de l'architecture narrative.
Mais il est à peu près certain que le lecteur approchant les romans au fur et à mesure de leur parution – qui attendra donc, au bas mot, un an et demi entre chaque volet – ne verra, lui, que passer les années, changer les situations des uns et des autres, mourir les rois, valser les ministres, changer les mains qui tiennent les rênes du pouvoir, se décatir les beautés... et, tout de même, se résoudre les cadavériques mystères posés en ouverture !

Citation

Le cadavre surgit et le désordre suit au moment exact où chaque détail ménagé visait à ce qu'il n'y en eût point...

Rédacteur: Isabelle Roche mardi 23 décembre 2008
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