Comment va la douleur ?

Car lorsque l'âme humaine est confrontée aux pires épreuves, il arrive toujours un moment où elle craque , comme un disjoncteur cédant quand la charge électrique est trop forte [...] Elle se répéterait alors, tel un mantra : Non, ce n'est pas en train d'arriver. Non, ce n'est pas en train d'arriver ...
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mardi 19 mars

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Roman - Noir

Comment va la douleur ?

Psychologique - Social - Tueur à gages MAJ vendredi 30 décembre 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16,5 €

Voir plus d'infos sur le site polarmag.fr (nouvelle fenêtre)

Pascal Garnier
Paris : Zulma, août 2006
208 p. ; 19 x 12 cm
ISBN 978-2-84304-377-2

Dératisation et écriture aux petits oignons

Ce livre, que je lis une troisième fois, a pour moi une importance particulière. Avec lui je découvrais l'univers et l'écriture de Pascal Garnier. De cette lecture a découlé une addiction profonde à son style et j'ai ensuite lu ses romans au fur et à mesure de leur parution, toujours avec la même émotion. Une interview toute professionnelle fut le début de ce qui serait probablement devenu une grande, une belle amitié si...
Aujourd'hui, je relis le texte avec l'émerveillement de la première fois mêlé de ce sentiment que l'on ressent en savourant un style aimé dont on connaît les singularités - par exemple cet étonnant côtoiement de noirceur désespérée et de luminosité un peu enfantine que fait sourdre "Un brave petit soleil dépourvu d'imagination mais plein de bonnes intentions". Et cette cruauté acérée mais indulgente et attendrie avec laquelle il croque ses personnages, dont je pourrais dire qu'elle définit un "ton Garnier". Ce qui suit est très largement puisé dans la chronique initialement publiée sur le site lelitteraire.com lors de la sortie en librairie du roman.

Il y a des romans dont on retiendra l'histoire qu'ils racontent, d'autres qui marquent par les personnages qu'ils font vivre et agir. Il y a des romans qui impressionnent durablement par les décors, grandioses, pathétiques ou sordides, dans lesquels ils sont ancrés. Puis des romans d'atmosphère. Et des romans "à texte" dont la forme déconcerte, amuse ou fascine au point d'occulter un peu l'intrigue. Il y a enfin des raretés littéraires qui brillent d'un peu partout et Comment va la douleur ? est de celles-ci.

Pour s'en tenir à l'histoire, on dira qu'elle retrace les derniers jours de Simon Marechall, un tueur à gages qui, ne pouvant avouer sa véritable profession, dit qu'il travaille dans la "dératisation, l'extinction de nuisibles". Il est atteint d'un mal en phase terminale mais doit cependant remplir un ultime contrat. Faisant halte dans une petite station thermale, Vals-les-Bains, il rencontre Bernard Ferrand au hasard d'un banc de jardin public. Ce jeune homme naïf - un "crétin solaire" - qui sourit à tout même aux conséquences de l'accident du travail qui l'a privé de deux doigts, le séduit. Il l'engage comme chauffeur pour le conduire vers sa dernière victime. Tout aurait dû se dérouler avec la fluidité d'un fleuve tranquille, mais une succession d'imprévus jette son content de sable dans les rouages.
Une histoire n'est pas grand-chose - encore que... - si l'on ne dit rien des personnages qui la vivent. Autour de Simon et Bernard, dont on sait déjà qu'ils sont blessés, on rencontre Anaïs, la mère de Bernard, soulographe qui a accumulé échecs et déceptions comme d'autres les objets de collection ; Fiona l'enfant de la DDASS, flanquée de sa petite fille Violette... Quand ce ne sont pas les corps qui sont cabossés ce sont les âmes qui ressemblent à des carrosseries déglinguées par une série de tonneaux. Oui, vraiment, dans ce roman, la douleur se porte comme un charme, merci pour elle. Ce n'est pourtant pas elle qui gagne la partie. Elle règne, en effet. Mais c'est un rayon lumineux qui éclaire le dénouement.

Comment va la douleur ? c'est un peu de polar, un peu de roman social, une road story avec ses longs trajets en voiture coupés de rencontres impromptues et meublés de conversations où les protagonistes se dévoilent. C'est aussi une magnifique galerie de portraits. Et une mine de ces phrases-miracles que Pascal Garnier excelle à faire sortir lustrées d'un lexique courant et d'une syntaxe qui l'est autant. Que l'on ouvre le livre au hasard et l'on est assuré d'en trouver au moins une de ces formules qui passent un réel banal à la brosse à reluire - même quand la réalité est défaite, scrofuleuse, poisseuse comme un chagrin dont on ne peut se défaire, l'écriture de Pascal Garnier parvient à resplendir ; on ne voit plus qu'elle et l'on jubile de ces tissages de mots simples d'où émergent de surprenantes configurations. Voyez donc les "demoiselles d'honneur" qui, dans ce cortège de mariage, sont "cramponnées à la traîne comme des morpions"... et puis il y a le courant d'air qui, filtrant par une vitre entrouverte, "[sent] le grand loin" ; et le temps qui, "dans les chambres d'hôtel [...] stagne, pareil au bras mort d'un fleuve". C'est un plaisir de citer. Mais c'en est un plus grand, irremplaçable, de lire le texte dans son entier.

Citation

Anaïs se mit à tousser pour passer le temps, une toux rauque qui sonnait comme un glas dans sa poitrine et qu'elle avait fini par accepter comme un vieux chien qui vous colle.

Rédacteur: Isabelle Roche samedi 07 mai 2011
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