Les Lettres de cachet : une légende noire

Il y a un corps sur la voie ferrée de Gurney Street. Femme, âge indéterminé, overdose probable, informe l'opératrice du central. Je pense : Kacey. C'est un tic, un réflexe, quelque chose d'âpre qui loge dans mon subconscient et envoie le même message à la partie primitive de mon cerveau chaque fois qu'on nous signale une victime de sexe féminin.
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Essai - Policier

Les Lettres de cachet : une légende noire

Politique - Historique MAJ lundi 18 avril 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Claude Quétel
Paris : Perrin, janvier 2011
384 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-262-03466-5
Coll. "Synthèses historiques"

Le symbole du despotisme et de l'arbitraire ?

La lettre de cachet est devenue, dans l'histoire populaire, le symbole du despotisme, du fait du prince, de l'arbitraire, le moyen permettant d'envoyer en prison, en exil, n'importe qui sans jugement. L'Histoire a retenu les cas les plus célèbres, comme l'arrestation du prince de Condé par Mazarin ou celle de Fouquet par le jeune Louis XIV. Mais n'est-ce pas une vision simplificatrice ?

Claude Quétel, dresse son histoire, son évolution et son emploi entre le XVIe et la fin du XVIIIe siècle. Son usage, dont l'origine reste incertaine, était l'expression de la volonté du roi dans l'exercice normal et quotidien de son pouvoir. Ces ordres "De par le Roy, nous mandons et ordonnons que..." pouvaient être utilisés pour convoquer un individu, suspendre une procédure ou demander un ouvrage. Ce mode avait l'intérêt de la rapidité et de l'efficacité dans son exécution. Cet ordre échappe au contrôle du Sceau, n'est pas un arrêt du Conseil. C'est, paradoxalement, le développement, dès le XVIe siècle, de l'administration royale, le fatras des juridictions, tant policières que de justice, qui vont multiplier son usage. La lettre échappe au maquis, quasi inextricable, des juridictions et des procédures.

C'est Louis XIV qui, traumatisé par La Fronde, en généralisa l'usage. Il s'en fera une telle consommation, pendant la Réforme, L'affaire des poisons, qu'il fallut créer la fonction de secrétaire de la main pour les signatures. Elles ont été beaucoup utilisées dans le combat politique, pour le contrôle de la librairie, dans les persécutions des Protestants, des Jansénistes. Ce qui est cocasse, c'est que cet outil, dénoncé comme arbitraire, a vu son usage multiplié également à la demande même des sujets du Roi, des membres d'une famille qui souhaitaient éviter une mésalliance, étouffer un libertinage, éloigner des fils indignes, de mauvais maris...

Puis l'auteur nous invite à en suivre les effets, c'est-à-dire l'exil, l'enfermement, soit dans des prisons d'État, comme la Bastille, soulignant le peu de places de ces établissements, les différences de traitement des prisonniers. Il élargit son propos en faisant un état des possibilités carcérales, depuis les maisons de force, jusqu'aux couvents, solution toute trouvée pour nombre de dames. Il évoque, avec précision, les mutations de la police et de la justice, avec la Reynie, dès 1672, et d'Argenson qui dès 1697 lui succède et banalise la lettre de cachet.

Claude Quétel dresse un état exhaustif des usages de la lettre et de ses conséquences. Ainsi, à l'aide de textes de droit, de textes revendicatifs, des témoignages et d'archives, il en brosse un tableau complet. Outre les diverses causes qui déclenchent sa rédaction, il passe en revue les quantités de lettres dispensées et le contexte dans lequel elles ont été émises. Il émaille son ouvrage de nombre de faits et anecdotes sur les rapports de personnages célèbres, comme Voltaire, Malesherbes, Mirabeau... avec cet outil arbitraire.
L'auteur présente ses propos de façon claire et didactique. Il étaye ses arguments, présente des tableaux significatifs sur le nombre de personnes ayant eu à souffrir des lettres de cachet. Il donne, par exemple, le nombre de prisonniers de La Bastille, leur durée moyenne d'enfermement et compare le nombre de lettres rédigées sous le règne des rois Louis XIV à louis XVI.

Le livre de Claude Quétel est passionnant. Il donne une vision réaliste de cette lettre devenue une légende noire.

Citation

Néanmoins, si l'on fait la somme des lettres de cachet délivrées pour la Bastille, de 1659 à 1789, on arrive au chiffre respectable de 5279. Un pareil total pour la seule Bastille nous conduit bien au-delà d'un coup par coup pratiqué par le souverain et laisse supposer que la lettre de cachet est en fait une institution.

Rédacteur: Serge Perraud jeudi 14 avril 2011
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