Just Kids

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mardi 19 mars

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Essai - Noir

Just Kids

Musique MAJ jeudi 17 mars 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Public connaisseur

Prix: 20 €

Patti Smith
Just Kids - 2010
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié
Paris : Denoël, octobre 2010
324 p. ; illustrations en noir & blanc ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-207-25600-8
Coll. "Grand public"

Patti Smith : Dieu, le rock, Mapplethorpe et moi

Avant de devenir la première grande – et fluette - icône punk, Patti Smith se fraya une voix dans le New York underground des sixties, où sa rencontre - puis sa liaison - avec un certain Robert Mapplethorpe fut déterminante. Ces années "d'apprentissage", comme on dit, elle les raconte avec une écrasante sincérité et un talent d'immense écrivain dans ses mémoires, Just Kids, qui a reçu le National Book Award l'an dernier.
Si l'artiste se forge à travers des croyances et des frustrations, celles de Patti Smith se rejoignent sans doute dans cette sentence : "L'idée que nous naissons dans un monde où tout a été organisé par ceux qui nous précèdent m'a toujours paru oppressante". Qu'on aime ou non les poèmes – et les dessins... - de Patti Smith, on ne peut que se fondre dans la beauté littéraire de ce "memoir", liée à la candeur et à la bienveillance de la performeuse, à son regard tendre – et formidablement lucide - sur ses années de jeunesse. Patti Smith est entrée dans la "bohème" comme on entre en religion. Elle est fan de Rimbaud et a décidé que sa vie sera une illumination... Issue d'une famille modeste, élevée par une mère pieuse, elle a travaillé en usine, à inspecter les guidons des tricycles - ça ne s'invente pas... -, avant de tomber enceinte à dix-neuf ans. Une fois l'enfant confié à une famille "aimante et instruite", elle file à New York en 1967. Elle est à cent lieues de la hippie fringante : elle tient plus du bobo genre Neal Cassady que de Janis Joplin ; elle ne raffole pas de Warhol, et elle sera assez capable d'atemporalité et d'anachronisme pour inventer le punk avant tout le monde, poussée par Richard Hell et Tom Verlaine...
Elle dort dans les cages d'escaliers, les wagons de métro, même un cimetière. En plein "summer of love", elle est plutôt seule, mais toujours en extase : "New York était une vraie ville, fuyante et sexuelle [...] On était accueilli par le joyeux brouhaha des bongos et des guitares acoustiques, des protest-singers, des débats politiques, des vieux joueurs d'échecs"... Elle rencontre d'autres figures de la rue et de l'art underground - la "fraternité de la bohème" - et passe ses soirées à regarder l'animation de St-Mark's Place. C'est alors qu'elle fait la connaissance de celui qui sera son grand amour et son ami, Robert Mapplethorpe, artiste décadent, bien plus "romantique XIXe siècle" que "swinging sixties", qui fait de Patti son modèle. Il prend du LSD, fait des dessins, des gravures et des collages, avant de se mettre à la photo. Ils s'installent ensemble – et vivront un temps au mythique Chelsea Hotel -, se lancent dans une quête artistique effrénée en écoutant les Doors, Dylan, Vanilla Fudge et le son de la Motown. Ils partagent un goût prononcé pour l'imagerie religieuse, et Patti confie : "Robert a déclaré par la suite que l'Église l'avait mené à Dieu et que le LSD l'avait mené à l'univers. Il a également dit que l'art l'avait mené au Diable, et que le sexe l'avait maintenu auprès de lui". Découvrant son homosexualité, Mapplethorpe s'essaye même au tapin, puis se fera un nom en détournant des images catholiques, en introduisant les "freaks" et l'imagerie SM dans ses collages ; il photographie les célèbres et les scandaleuses, Marianne Faithfull ou un jeune prostitué couvert de tatouages. Elle écrit, d'abord des poèmes dédiés à Brian Jones, puis fait des lectures. Finalement accompagnée à la guitare par Lenny Kaye, puis rejoints par un bassiste, un batteur et un pianiste, elle lance le Patti Smith Group après avoir découvert les New York Dolls, Television et toute la scène du CBGB, où elle se produira avec tous ces précurseurs du punk, mouvement dont elle fera office de "marraine". Elle enregistrera son premier album, Horses en septembre 1975. Et c'est un portrait d'elle pris par Robert Mapplethorpe qui servira à l'illustration de la couverture. Une décennie plus tard, ce dernier apprendra qu'il est atteint du Sida, dont il décèdera en 1989... Patti Smith raconte encore qu'elle dédiait ses soirées de lectures de poèmes à tous les criminels, de Caïn à Genet... Et elle vient de confier qu'elle était sur l'écriture d'un polar. Qu'on attend donc de pied ferme.

Citation

New York était une vraie ville, puissante et sexuelle.

Rédacteur: Cédric Fabre jeudi 17 mars 2011
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