Saigon la Rouge

En même temps, conclut-il en encastrant son troisième et dernier chargeur dans le fusil au canon fumant, cette mauvaise décision de sa part avait tout de même un avantage. Après tout, une demi-douzaine de fils de pute morts, c'était toujours bon à prendre.
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samedi 20 avril

Contenu

Roman - Policier

Saigon la Rouge

Historique - Géopolitique MAJ vendredi 21 janvier 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Jacques de Miribel
Paris : La Table ronde, janvier 2011
240 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7103-6778-9
Coll. "Vermillon"

Un homme se révèle dans la dissidence !

Un court prologue raconte l'exécution, le 25 avril 1941, par un peloton, de Nguyen Thi Minh Khai, une jeune femme morte pour l'exemple. Malgré treize années écoulées, cette mort bouleverse toujours le narrateur. Celui-ci entreprend de relater les événements qu'il a vécus, dans lesquels il est intervenu, et son parcours comme commissaire de police et de la sureté à Saigon. Son récit débute en 1941. Le Maréchal a signé l'armistice et la paix s'étend, de fait, aux forces de l'Axe. Les Français de la colonie doivent faire face à une montée du nationalisme des Indochinois et une menace d'invasion des Japonais. Le narrateur rejoint son bureau où l'attend Phung, une jeune fille arrêtée parce qu'elle donnait des cours en tenue traditionnelle et distribuait des tracts protestant contre l'exécution de Khai. Ne voulant pas qu'elle soit prise en charge par la Sureté et emmenée rue Catinat, pour subir la torture, il la libère. En fait, pense-t-il : "Je ne voulais plus que mes nuits soient peuplées de cauchemars." Le lendemain, Albert, son chef, le convoque et le somme de s'expliquer. Il argumente qu'étant chargé d'infiltrer les milieux nationalistes il a trouvé en cette jeune femme une indicatrice. Albert le presse alors d'adhérer à la Légion des combattants, instaurée sur ordre de l'Amiral sur le modèle de celle que préside le Maréchal. C'est Flavia, l'amie de son épouse, qui le pousse à adhérer. Pour continuer à agir selon sa conscience, il va s'inscrire, satisfaisant Albert qui peut alors afficher une adhésion totale de son service de son service à la politique du Maréchal. Commence, pour le commissaire, une partie de cache-cache avec sa hiérarchie, les nationalistes, les Japonais qui occupent militairement l'Indochine avec l'accord du gouvernement métropolitain. Mais pourquoi le commissaire veut-il protéger, à travers son père, Phung la militante trotskiste ?

On ne cessera jamais d'utiliser le cadre dramatique de la Seconde Guerre mondiale, creuset de tous les excès, pour installer de nouvelles histoires. Jacques de Miribel place son récit dans la ville de Saigon entre 1941 et 1945, alors que la région est coupée de contacts réguliers avec la métropole. Il fait ressentir l'atmosphère de ces villes coloniales, les tensions qui les habitent, les microcosmes d'individus qui se pensent intouchables, appartenant à une race supérieure. Il décrit, avec beaucoup de justesse les interrogations, les conflits intérieurs qu'un homme peut endurer face à un choix d'idéal, dans un contexte de crise. Doit-il suivre ce que dicte sa conscience et son humanité ou se conformer à la politique du pouvoir auquel, par sa fonction, il est soumis à un certain loyalisme ?
L'auteur livre des réflexions éloquentes sur une période difficile à vivre. Il fait ressentir la difficulté de démêler le vrai du faux pour faire le bon choix. S'il est facile, avec le recul et le déroulement des événements, de savoir où se trouvait la bonne voie, il n'en n'était pas de même à l'époque où la Résistance était embryonnaire. On peut le mesurer, aujourd'hui encore, avec les difficultés que l'on éprouve à trouver des informations objectives loin de la propagande fallacieuse d'un pouvoir. Il fait montre de beaucoup d'ironie et porte un regard amusé mais lucide sur la nature humaine et ses innombrables faiblesses.
Il brosse, autour du héros, quelques portraits remarquables et dresse, pour celui-ci, un magnifique portrait tout en contrastes, d'un homme ordinaire qui, un jour, pour une raison connue de lui, décide de refuser de s'intégrer dans un système, d'en devenir le complice. L'intrigue porte essentiellement, sur le jeu de cache-cache entamé par un narrateur, totalement anonyme, avec sa hiérarchie, son environnement et sur une trame amoureuse.
Saigon la Rouge se révèle un roman plaisant à découvrir pour l'atmosphère qui se dégage du récit, par les réflexions qui émaillent l'histoire et par le coin du voile historique qu'il soulève sur les relations franco-japonaises de l'époque.

Citation

J'avais été assez fou pour m'engager dans la dissidence gaulliste et préférer l'imprévisible à l'inévitable - ce triomphe de l'Axe promis chaque jour par la presse.

Rédacteur: Serge Perraud vendredi 14 janvier 2011
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