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Olivier Kourilsky, alias Dr K., plonge ses intrigues au cœur d'univers policiers et médicaux

Lundi 11 avril 2016 - On peut être un éminent néphrologue, unanimement reconnu par la profession, et être amateur de romans policiers. Les deux ne sont pas incompatibles comme le démontre avec talent le Dr Olivier Kourilsky. Celui-ci, depuis plus de dix ans, propose des polars aux intrigues raffinées, aux péripéties étoffées, menées avec sûreté dans des décors choisis avec soin, jusqu'à une chute toujours étonnante. Ces intrigues, dans la pure tradition du roman d'énigme, mettent en scène des personnages d'une grande humanité. Sa galerie de protagonistes est peuplée de policiers œuvrant, ou ayant œuvré, au 36 Quai des Orfèvres et d'acteurs de l'univers médical, un milieu bien connu de l'auteur.
Il vient de faire paraître son huitième roman, L'Étrange Halloween de M. Léo, aux éditions Glyphe dont il est un fidèle pilier. C'est l'occasion d'une rencontre, par Internet, avec cet auteur talentueux qui construit une série remarquable.
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© Dr Olivier Kourilsky



k-libre : Vous écrivez des romans policiers dans lesquels vos personnages principaux évoluent au 36 Quai des Orfèvres. Il existe beaucoup d'autres postes de police. Pourquoi avoir choisi ce lieu symbolique ?
Olivier Kourilsky : En réalité, si on reprend mes romans antérieurs, les policiers évoluent parfois dans d'autres postes de police. Mais il est vrai que le "36" est privilégié, notamment depuis mon cinquième roman, Dernier homicide connu. Une jeune femme y prend ses fonctions de chef de groupe à la Crim' et intervient de nouveau dans les épisodes suivants. C'est un lieu mythique, que j'ai pu visiter grâce à un policier devenu un ami, lui-même chef de groupe à la Crim'. Les policiers y sont très attachés malgré la vétusté des locaux !

k-libre : Votre connaissance des différents services qui composent la police est impressionnante. Cette organisation, qui fait appel à des compétences multiples, vous passionne-t-elle ? Faites-vous de fréquentes visites au 36 ?
Olivier Kourilsky : De ma formation scientifique, j'ai gardé un attachement à une documentation solide. Je suis donc entré en contact avec des amis policiers pour me renseigner sur le fonctionnement des différents services, afin de ne pas écrire trop de bêtises ! De la même manière, je m'imprègne toujours de l'ambiance des lieux où je place des scènes de mes romans. Je me rends donc sur place chaque fois que possible pour les repérages. Mais mes visites au 36 ont été rares.

k-libre : Vous écrivez une fresque policière autour d'un noyau de personnages, et chaque roman est un épisode de celle-ci. Aimez-vous retrouver les mêmes intervenants avec qui vous vous sentez bien ?
Olivier Kourilsky : Oui, en tout cas certains d'entre eux. Ce ne sont pas toujours les mêmes qui ré-interviennent dans chaque histoire. Ainsi, Agnès, la belle chirurgienne de Meurtre pour de bonnes raisons, le 3e opus, revient dans le no 6 (Homicide post mortem) et dans le dernier (L'Étrange Halloween de M. Léo). Mais certains personnages sont éphémères, notamment dans Homicide par précaution (le quatrième volet) et Le Septième péché (le septième !).

k-libre : Vous avez constitué un groupe de personnages que vous faites évoluer. Comment, et en fonction de quels critères, les avez-vous choisis ?
Olivier Kourilsky : Difficile de répondre... Certains me sont particulièrement sympathiques (Pierre Banari, Claude Chaudron, Victor Maupas) ou sont de bons candidats pour s'intégrer dans l'histoire que j'invente. D'autres, au contraire, s'imposent parce qu'ils sont de bons exemples de "méchants".

k-libre : Ce groupe s'enrichit au fil de vos romans. Des personnages secondaires dans un livre passent au premier plan dans un autre. Comment décidez-vous de ces évolutions ?
Olivier Kourilsky : Ce sont essentiellement les péripéties de l'intrigue qui amènent tel ou tel personnage au premier plan. De plus, j'essaie de varier les situations et le canevas des histoires, ce qui influe sur le choix des personnages ou l'intervention de nouveaux.

k-libre : Ceux-ci se plient-ils toujours aux péripéties que vous voulez leur faire vivre ? Vont-ils facilement dans la direction que vous aviez imaginée ?
Olivier Kourilsky : En général, oui. Parfois, ils acquièrent leur vie propre et me suggèrent une autre direction en cours d'écriture !

k-libre : Cependant, vous n'hésitez pas à vous débarrasser de façon définitive de personnages pas spécialement déplaisants. Est-ce facile de tuer ainsi un de vos acteurs ?
Olivier Kourilsky : Non, ce n'est pas toujours facile, et je n'ai appris que tardivement à malmener mes personnages. Je suis un sentimental, je n'aime pas la violence gratuite, et je souffre en écrivant certaine scènes !

k-libre : Nombre de vos personnages nouent, sur leur lieu de travail, au 36 Quai des Orfèvres, comme dans le milieu médical, des relations sentimentales plus ou moins abouties. Est-ce l'illustration de situations courantes ou des éléments porteurs pour les péripéties que vous leur faite vivre ?
Olivier Kourilsky : Dans tous les groupes constitués, il peut y avoir des histoires sentimentales... Je ne fais qu'illustrer des situations courantes qui peuvent devenir des éléments porteurs pour mes histoires.

k-libre : Si les femmes ont intégré tous les services et les échelons de la police, elles restent cependant minoritaires. Le commandant Claude Chaudron devient l'un de vos personnages principaux, l'héroïne de plusieurs de vos livres. Pourquoi avez-vous retenu cette femme pour porter vos intrigues ? Toutefois, pourquoi lui donner un prénom porté indifféremment par une femme ou par un homme ?
Olivier Kourilsky : Créer un personnage de femme ayant un poste de responsabilité dans un milieu traditionnellement masculin me tenait à cœur (d'ailleurs, je me suis aperçu qu'il y avait plusieurs héroïnes dans mes romans !). J'avais potassé des livres de Martine Monteil et d'autres femmes policières pour mieux appréhender leur vécu. Le prénom de Claude, aussi bien féminin que masculin, a été choisi uniquement pour expliquer la méprise initiale du commissaire Maupas après une lecture trop superficielle du dossier.

k-libre : Personne ne met en doute votre imagination, comme vous l'indiquez de façon humoristique en préambule. Cependant, ne puisez-vous pas dans l'actualité, ou dans des faits de société pour initier vos intrigues ?
Olivier Kourilsky : J'essaie avant tout de concocter tout seul mon histoire, parfois nourrie d'anecdotes vécues mais, par exemple, je n'adapte pas un fait divers réel. En revanche, c'est parfois la réalité qui me rattrape. Ainsi, alors que j'avais déjà écrit la moitié de mon premier roman (Meurtre à la morgue), j'ai appris qu'il y avait effectivement eu un meurtre dans les années 1980 à la Faculté des Saints-Pères, dans des conditions différentes de celui raconté dans le livre, mais cela montre une fois de plus que l'imagination la plus débridée peut être rattrapée par la réalité ! Dans le deuxième roman (Meurtre avec prémédication), le héros trouve dans la poche de son blouson les papiers d'une jeune fille en sortant d'un bus, sans savoir qui les a glissés là ni pourquoi. Cette histoire m'est arrivée... sauf que la propriétaire n'a heureusement pas été assassinée ! De même, aucun de mes personnages n'existe dans la réalité, même si, ponctuellement, ils peuvent comporter tel ou tel trait de caractère de quelqu'un que je connais. Et quand on me demande parfois : "Lequel de tes personnages es-tu ?" Je réponds toujours que, comme le journal de sinistre mémoire, "Je suis partout !"

k-libre : Qu'est-ce qui déclenche l'idée, ou le point de départ de l'intrigue d'un nouveau roman ? Est-ce une réflexion, une situation, une rencontre ?...
Olivier Kourilsky : Un peu tout cela. Par exemple, pour le premier, c'était à l'occasion d'un séminaire d'informatique aux Saint-Pères. J'avais demandé au formateur si les salles de dissection étaient toujours un véritable décor de film d'horreur. Il m'avait alors répondu "Oui, d'ailleurs une fois il y a eu un mort de trop", ce que j'ai pris pour une blague (voir plus haut). Et cela m'a donné l'idée de la première scène du livre. Pour le deuxième, c'était l'histoire des papiers dans la poche de l'imper. Pour le cinquième (Dernier homicide connu), je voulais travailler sur les jumeaux et leurs liens parfois télépathiques, et j'ai finalement choisi l'histoire de deux frères liés par le souvenir d'une scène très violente, l'assassinat de leur mère sous leurs yeux. Pour le dernier, c'est la découverte de photos du château de Gwrych sur la Toile qui a tout déclenché. Etc.

k-libre : Vous faites très souvent, dans le cours de vos récits, référence à des films ou à des séries télévisées. Êtes-vous un cinéphile averti ?
Olivier Kourilsky : J'adore le cinéma, bien que j'y aille moins souvent actuellement. Mais je suis abonné via la télévision à des chaînes de cinéma, et j'affectionne en particulier les films en noir et blanc des années 1950-1960.

k-libre : Ces films que vous évoquez, qui illustrent une phase de votre histoire, ne sont-ils que le prolongement de celle-ci ou ont-ils été initiateurs ?
Olivier Kourilsky : Plutôt le prolongement, mais il est possible qu'ils m'aient inspiré inconsciemment !

k-libre : Vous tissez, pour vos policiers, des liens très forts avec le monde médical. Vous évoquez souvent des pathologies relevant de la néphrologie. Dans Le 7e péché, le héros exerce cette spécialité. Est-ce plus plaisant de se référer à ce que l'on connaît très bien ?
Olivier Kourilsky : Le fait de placer, très souvent, mes intrigues policières dans le monde médical est un choix délibéré, afin de leur donner une "couleur" particulière. L'occasion aussi de décrire un milieu que je connais bien et de parler d'un métier qui est ma vie. Mais j'essaie de changer d'ambiance au fil des épisodes. Cela m'oblige à peaufiner la documentation, donc à m'instruire, c'est ça qui est formidable ! Une fois, ce sont les stations fantômes du métro parisien, une autre les mystères des expertises en écriture... On rencontre des personnes qui travaillent dans d'autres domaines, on apprend, c'est passionnant ! D'ailleurs, je dois dire que j'ai toujours été accueilli avec beaucoup de gentillesse chaque fois que j'ai dû solliciter une aide extérieure. Comme si mes interlocuteurs appréciaient le fait que j'essaie de ne pas écrire trop de bêtises...

k-libre : Qu'est-ce qui vous a amené à écrire des romans policiers plutôt que, par exemple, des traités relatifs à votre spécialité médicale ?
Olivier Kourilsky : Pour les traités, j'ai déjà bien donné ! [Rires] J'ai participé à une dizaine d'ouvrages en français ou en anglais, dont un manuel de néphrologie (trois éditions), et écrit un livre à l'intention des infirmières (quatre éditions). L'écriture des romans policiers, c'est venu plus tard (depuis une quinzaine d'années : le premier est sorti en 2005). J'ai toujours adoré raconter des histoires... Une fois, on m'a demandé si écrire des polars qui se déroulaient dans le milieu médical était un exutoire au difficile métier de médecin... Ce n'est vraiment pas la raison principale. Mon plus grand plaisir, c'est lorsque des lecteurs me disent qu'ils n'ont pas pu refermer un de mes romans avant de l'avoir terminé !

k-libre : Quand écrivez-vous ? Avez-vous besoin d'un cadre particulier, d'une ambiance, d'un moment particulier ou pouvez-vous écrire dans n'importe quel contexte ?
Olivier Kourilsky : Je n'ai aucune hygiène d'écriture. J'aime bien écrire le matin "à la fraîche", mais je peux écrire à n'importe quel moment (et aussi rester un ou plusieurs jours sans écrire, notamment les jours où je continue à exercer la médecine). Je préfère être au calme à ma table, mais je peux écrire n'importe où, parfois entouré de monde. J'aime passionnément la musique, et parfois j'en écoute en même temps, mais ce n'est nullement une nécessité. Cela peut même me gêner à certains moments.

k-libre : Le diagnostic médical pourrait-il s'assimiler à une enquête, en raccourci, pour traquer des "délinquants" de la santé de l'Homme ?
Olivier Kourilsky : Bien vu ! C'est exactement ça. Tout diagnostic médical s'apparente à une enquête de police : interrogatoire, recoupements, recherche d'indices, mise en corrélation... Je me sens donc parfaitement à l'aise dans cette démarche.

k-libre : Vous avez commencé votre série de romans avec des constantes dans les titres. Les trois premiers incluent "Meurtre", les trois suivants intègrent "Homicide". On pouvait penser, avec Le 7e péché que vous aviez matière à continuer sur cette voie. Mais non ! Comment choisissez-vous vos titres ?
Olivier Kourilsky : Après la trilogie "Meurtres" et la trilogie "Homicides", il devenait nécessaire de trouver d'autres titres... On ne s'y retrouvait plus : même l'éditeur se prenait les pieds dans les noms des romans ! e péché était un clin d'œil (mon septième polar), bien qu'il fasse référence au premier des péchés capitaux, l'orgueil, celui dont découlent tous les autres ! Quant au huitième, c'était un nouveau clin d'œil à L'Étrange Noël de monsieur Jack. Je cherche toujours des titres accrocheurs (c'est de bonne guerre), mais toujours justifiés par un détail du scénario (par exemple Meurtre avec prémédication).

k-libre : Dans Homicide post mortem vous mettez en scène une vendetta posthume par un homme mort depuis quinze ans. Dans votre tout nouveau roman L'Étrange Halloween de M. Léo, vous mettez en scène Halloween, des fantômes, des superstitions. Êtes-vous attiré par certains aspects du fantastique ?
Olivier Kourilsky : Je n'ai jamais rencontré un fantôme de ma vie, mais oui j'aime certains aspects du fantastique, que ce soit les romans ou les films (plus que les films d'horreur). Pour moi, le de Coppola est un film magnifique. Quant au Bal des vampires, j'ai dû le voir une vingtaine de fois avec toujours la même jubilation.

k-libre : Dans Le 7e péché, vous racontez toutes les étapes qui mènent un médecin néphrologue au titre de PU–PH (Professeur des Université, Praticien hospitalier). Cela semble un véritable parcours du combattant. Est-ce le cas ?
Olivier Kourilsky : Tout à fait. Encore plus que de mon temps. On leur demande à la fois de publier des travaux de recherche dans des revues internationales, mais aussi de faire de l'enseignement et même de soigner les malades [Rires]. J'ai siégé pendant huit ans au conseil de Faculté de Paris-Sud et je me demandais toujours comment mes jeunes collègues pouvaient faire tout cela dans des journées de vingt-quatre heures, et aussi avoir une vie de famille !

k-libre : Pourquoi, alors lui mettre autant de bâtons dans les roues en lui faisant vivre une véritable descente aux enfers ?
Olivier Kourilsky : Ça, c'était le but de l'histoire. Le personnage (fictif, je le rappelle !) est ultra intelligent, mais prétentieux, imbu de lui-même et méprisant. Il n'a aucune empathie pour les patients, aucune considération pour ses semblables à l'exception d'une seule personne... On peut voir dans cette descente aux enfers une punition. Certains lecteurs me disent qu'ils finissent par espérer qu'il s'en tire malgré son caractère peu sympathique... Et j'ai poussé le vice jusqu'à écrire l'histoire à la première personne, exercice particulier pour moi, tant le personnage est à l'opposé de ce que je considère comme un médecin !

k-libre : Votre nouveau roman s'appuie sur un trafiquant de drogue très superstitieux et sur les risques qu'il fait courir à une adolescente kleptomane. Vous faites appel à un policier en retraite qui vient prêter main-forte à ses collègues toujours en activité, car les moyens humains manquent. Ce genre d'intervention est-il, à votre connaissance, courant ?
Olivier Kourilsky : Il y a effectivement quelques "réservistes" qui effectuent des missions ponctuelles dans la police. Mais dans le cas présent, l'intervention de l'ex-commissaire Maupas est plutôt d'ordre privée et officieuse, pour les besoins de l'histoire.

k-libre : J'imagine que vous travaillez déjà à votre prochain livre. Pouvez-vous nous donner quelques indications sur l'intrigue et sur les personnages que vous avez choisis pour être sur le devant de la scène ?
Olivier Kourilsky : Malheureusement, je ne peux pas encore vous donner d'indications. Je traverse toujours une sorte de période "réfractaire" après la sortie de chaque nouveau roman. J'ai eu deux ou trois idées embryonnaires, que j'ai abandonnées. Je laisse donc bouillir la marmite en attendant d'avoir un fil conducteur. Après, les idées viennent en écrivant, c'est le miracle de l'écriture. Mais il faut que les fils de l'intrigue soient déjà bien tissés : il s'agit d'un polar... Vous voyez que je n'ai pas tant d'imagination que cela !


Liens : Olivier Kourilsky | L'Étrange Halloween de M. Léo | Homicide post mortem | Meurtre pour de bonnes raisons Propos recueillis par Serge Perraud

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