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Ma vie des autres (234)
Courts récits de 1000 signes. 234 : une sortie ratée. Quelle idée j'ai eu de m'avancer autant. Une belle connerie ! Je suis au-dessus du vide, les pieds au bord de la falaise. J'aurais voulu me suicider, je n'aurais pas fait mieux. C'est comme si je me retrouvais prêt à sauter de ma fenêtre. Le moindre mouvement que je fais, je tombe. Que le vent se lève, je tombe. Un bruit me surprend, je tombe. Je ne peux même pas prendre mon téléphone dans ma poche et lever le bras pour parler. Impossible de crier non plus, ça me déséquilibrerait. Je m'empêche de regarder vers le bas, j'ai peur d'avoir un vertige. Je ne dois pas me déconcentrer. Si mon esprit part en vadrouille, je vais me relâcher et je vais bouger involontairement les pieds. De toute manière, je n'en réchapperai pas. Je ne vois pas comment les secours pourraient m'empêcher de basculer. Rien que l'effleurement d'une main me précipitera dans le vide. J'ai voulu jouer les aventuriers, me prouver à moi-même que j'avais du caractère. Tu n'es pas un simple touriste, toi ! Allez, mon gars, brave la mort ! Combien de temps peut-on tenir ainsi, immobile, uniquement appuyé sur les talons ? Des promeneurs doivent me voir du chemin. Je suis une silhouette au loin qui se découpe sur l'immensité du ciel. Bientôt, avec le soir, on ne me verra plus dans l'obscurité.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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