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Ma vie des autres (221)
Courts récits de 1000 signes. 221 : séparation à cœur fendu. Devant le Palais de Justice, je regarde sept années de ma vie s'éloigner en robe fuschsia et carré Hermès. Ce passé me tourne le dos et rapetisse à vue d'œil, malgré mon désir de le conserver. Je peux mouiller de mes larmes le procès-verbal de divorce, rien n'y changera, l'encre officielle est indélébile. Parmi les gens qui montent ou qui descendent les marches du bâtiment, d'autres subissent un sort identique au mien, la photo d'une existence heureuse en petits morceaux dans la poche qui serviront de puzzle les longues nuits solitaires à venir. De leur côté, les deux avocats partent bras dessus bras dessous au restaurant. Si le port d'arme était autorisé, victimes et suicidés s'accumuleraient sur le parvis du tribunal. Heureusement, je sais pour l'avoir entendu plusieurs fois dans la bouche des gens de passage chez nous qu'après un coup dur, la déprime s'évapore avec du temps pour peu qu'on arrive à retrouver son équilibre. Dans sa robe Fuschsia et ses escarpins Saint Laurent, celle que j'aime se retourne vers moi, ce que je n'espérais plus. Elle regarde aussi son passé avant de disparaître à jamais dans un futur parallèle que j'imagine inaccessible. Qu'est-ce que je peux faire d'autre que pleurer à sept ans en serrant fort la main de papa ?
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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