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Ma vie des autres (202)
Courts récits de 1000 signes. 202 : nuire par nécessité. J'ai besoin de partager ma douleur. Christophe me jette pour ses nouveaux amis. Il veut faire un break et partir à l'étranger, en Turquie, en Syrie. Je me retrouve seule. Sans lui, je suis perdue. Je n'ai pas de copine, je n'ai pas de sœur, personne à qui confier ce que je ressens. Alors que je meurs d'amour, le monde continue de tourner. Je ne le supporte pas. Alors d'une cabine publique du centre-ville, je donne un coup de fil anonyme, d'abord à la police, ensuite aux pompiers. En transformant ma voix à l'aide de ma manche, je les avertis qu'une bombe a été déposée au centre de formation où va Christophe. Le temps de remonter en voiture, j'entends une sirène signalant que mon message a bien été pris au sérieux. Priorité à la sécurité des enfants. L'établissement scolaire va être évacué. Toute la ville va être malade de trouille. Au moins, je suis sûre que cette agitation collective finira par toucher Christophe. Il aura ainsi une idée de ma peine. Il saura ce que me vaut notre séparation. Il entendra mes lamentations dans les cris des sirènes. Et j'espère qu'il va être considéré comme un suspect, avec cette barbe qu'il porte depuis qu'il se prend pour un djihadiste.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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