Contenu
Ma vie des autres (184)
Courts récits de 1000 signes. 184 : adieu ma vie de garçon ! Ils n'ont pas trouvé mieux que de m'obliger à gueuler à bas l'Armée aux militaires qui sortent du bar. Je le fais en levant ma bouteille quasiment vide. De toute manière, je suis pompette. Ce soir, j'enterre ma vie de garçon. Mes potes veulent m'en faire voir de toutes les couleurs avant mon mariage avec Liane, samedi. Ils ont prévu la tournée de tous les bars de la ville. Mais, voilà, le rituel du passage de l'âge de l'insouciance à l'âge de l'embonpoint se termine ici. Arrêt de la fiesta. Les paras du 5e Régiment n'ont pas l'intention de se laisser insulter par la voix d'un type éméché. Eux aussi ont plusieurs verres dans le nez. Par chance pour moi, ils se méprennent sur l'auteur de l'injure. Ils croient qu'elle a été proférée par l'un des jeunes banlieusards dont le groupe est en train d'embêter des nanas. Le ton monte entre les deux bandes et ça ne loupe pas, ils en viennent aux coups. Les téléphones en font venir d'autres, des deux bords, à la rescousse. Bientôt, la place devient un vrai champ de bataille avec des blessés de part et d'autre. Dans la fuite, je glisse et je casse ma bouteille. Pas de chance, je me prends un gros éclat de verre dans la jambe qui me sectionne l'artère fémorale. Essoufflés, mais rigolards, mes potes prétendent dans un premier temps que je pisse tout le pinard qu'ils m'ont fait boire.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
Blog de Jan Thirion
Liens : Jan Thirion
