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Ma vie des autres (153)
Courts récits de 1000 signes. 153 : à mes parents chéris, la fin du monde. Comment aurais-je pu me douter, à huit ans, que j'allais provoquer un tel cataclysme en voulant faire un dessin pour mes parents ? Ils sont sortis au théâtre, me laissant seul dans le grand appartement. Le stylo MontBlanc de papa dont je veux me servir n'a plus d'encre. En remplissant le réservoir, je renverse de l'encre sur la moquette. Je nettoie avec une éponge, mais la tache s'agrandit. La solution qui me vient est de remplacer le morceau de moquette souillée par un autre, découpé sous le grand lit. Ce que je fais avec un gros cutter. Je mets de la colle, je pose le nouveau carré de moquette qui dépasse et m'oblige à continuer le bricolage. Après une heure, c'est un désastre. Je ne serai pas décrété meilleur ouvrier de France et je vais prendre un sacré savon. Ma nouvelle idée me pousse à transformer ma bêtise en accident. Je mets le feu à la chambre. J'échappe à l'incendie, alors que le bâtiment est en feu et que les voisins du dessus périssent dans les flammes. Comme ils sont parents d'un chef d'État étranger, on parle d'acte terroriste et cela provoque un grave incident diplomatique. Par vengeance, des Français sont assassinés dans l'autre pays. La guerre est sur le point d'être déclarée. C'est bien la dernière fois que j'essaierai de faire plaisir à mes parents.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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