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Ma vie des autres (152)
Courts récits de 1000 signes. 152 : l'idole de passage. Je leur gueule dessus. Je leur ordonne de rester assises. J'ai la voix enrouée à force de crier. Heureusement que j'ai une tête de plus qu'elles et que j'ai seize ans. Je les domine toutes ces gamines folles de Justin. J'arrive à en maîtriser une cinquantaine, celles devant moi, parmi le bon millier agglutiné devant le siège d'Universal où l'idole est attendue comme le pape. Le service d'ordre a du mal à contenir cette foule hystérique, entichée du plus mignon des chanteurs. Moi-même, je l'adore, sinon je ne serais pas là, à poireauter depuis cinq heures du matin, dans le froid et le ventre vide. Au grand dam de ses fans, la venue de l'artiste a été reportée à deux reprises, mais cette fois, c'est la bonne. Il arrive ! La nouvelle court dans les rangs et fait monter la pression. Il me semble apercevoir le toit de la limousine. Je crie aux cinquante filles que je tiens sous ma coupe de rester calmes. Entre mes appels à la raison et leurs hurlements amplifiés à l'apparition de Justin, la lutte est inégale. Mes cordes vocales se brisent et je me fais renverser, piétiner. Par terre, écrasée, écrabouillée, je n'ai plus la force de crier. La vague humaine s'éloigne, j'arrive à me relever, endolorie de partout. Je pleure autant d'avoir mal et que d'avoir loupé Justin.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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