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Ma vie des autres (124)
Courts récits de 1000 signes. 124 : le street art à portée des grands commis. L'artiste anonyme qui trace des X miniatures sur les murs des villes, c'est moi. On m'identifie sous le nom de X. Personne ne sait que je suis un haut fonctionnaire du ministère des Finances, de l'Économie et du Budget qui s'amuse à faire du street art avec pour seul outil un simple marqueur indélébile. Noir de préférence. Je trace des petits X partout où je peux, mais un seul à la fois. Je ne fais pas des nuages de X. On ne doit pas repérer mes X immédiatement. Leurs apparences sous forme de taches insignifiantes, de pattes de mouche n'ont rien de choquant à première vue. Il faut venir avec une loupe pour reconnaître ma signature. Les X fleurissent là où je passe mes vacances. Depuis huit ans, on pourrait me suivre à la trace si on voulait. Je tiens à jour mes tablettes. J'en suis à 6433 X. Je pense que j'aurai atteint les 7000 au jour de l'an. Je joue du marqueur dans les galeries d'art que je visite et dans les musées. Je laisse des X dans les WC publics ou dans les ascenseurs, mais jamais je ne marque de ma griffe les œuvres exposées. Je ne suis pas un vandale. J'ai un trop grand respect de l'art. Grâce à mes X sauvages, j'entrerai bientôt dans les dictionnaires.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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