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Ma vie des autres (120)
Courts récits de 1000 signes. 120 : la vie à trois. Si c'était à refaire, je ne recommencerais sûrement pas. C'est à croire qu'il n'aime que son python. Nous sommes fâchés avec tout le monde. La famille ne vient plus depuis ce Noël où il a envoyé paître mes parents et les filles de mon premier mariage. Des amis, il n'en a aucun. Dès qu'il est arrivé dans ma vie, il a fait le vide autour de moi. La présence de son serpent n'a pas arrangé les choses. Si je reste, c'est que nous sommes liés par le boulot avec notre petite entreprise d'écrivain public. Notre affaire marche bien. On publie les mémoires des vieux chez qui je me rends pour les interroger. Je les enregistre. Il vaut mieux que ce soit moi. Lui, taiseux comme il est, il n'arriverait pas à leur sortir le moindre vers du nez. Il s'occupe de la partie technique, du traitement de texte jusqu'à la conception du bouquin via un service Internet. Nous récupérons une sacrée bonne marge bénéficiaire en obligeant nos clients à nous commander cent exemplaires de leur livre personnel. La séparation n'est pas à l'ordre du jour chez nous. J'ai un fauteuil à part pour me détendre. Je cède volontiers ma place à son python sur le canapé, le soir, devant la télé.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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