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Ma vie des autres (114)
Courts récits de 1000 signes. 114 : une séparation de plus. L'avion décolle et me transperce le cœur. Comment ne pas avoir du chagrin quand son enfant retourne à l'autre bout du monde ? La main en visière, je regarde l'appareil s'éloigner. Le bruit des réacteurs, je voudrais l'entendre à jamais qu'il me bourdonne dans les oreilles jour et nuit. Mike reste à l'écart, appuyé à la voiture. Chacun souffre en silence. Et pourtant, on est loin du malheur. Frankie a décidé de faire sa vie en Asie. Il n'y pas de quoi prendre le deuil. Je m'en remettrai. Il reviendra nous voir l'année prochaine. Je n'ai pas à me plaindre. Nous sommes tous en bonne santé. Le malheur ne nous a jamais frappés. Évidemment, je crains l'avenir, j'ai peur pour Frankie. S'il lui arrivait une tuile là-bas, je ne pourrais rien faire. L'avion disparaît. Je cherche encore à le voir. Je sens la main de Mike qui se pose sur mon épaule. S'il n'était pas là, je crois que je resterais longtemps à me morfondre sur le parking de l'aéroport. Un jour, j'ai dit à Mike que je l'aimais moins que mon fils et que je préfèrerais le voir partir, lui, au bout du monde. Il n'a rien dit.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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