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Ma vie des autres (78)
Courts récits de 1000 signes (78). La plupart du temps, je reste complètement éteint. Je ne suis rien. C'est le vide intégral en moi-même. Je ne suis bien qu'avec un micro dans les mains, en train de parler. Dès que je m'exprime, à condition que personne ne m'interrompe pour me contredire, je revis. Il me faut faire des conférences pour exister. Ce que je raconte n'a aucune importance. Que je maîtrise bien ou non mon sujet ne me fait ni chaud ni froid. Je n'ai pas la prétention d'instruire l'auditoire, ni même le captiver ou le séduire, ni même lui faire passer un bon moment. Je fais mon numéro surtout pour moi. Je débobine de la parole et c'est un plaisir immédiat, équivalent à l'alcool ou à n'importe quelle autre drogue dont les effets bénéfiques ne se feraient pas attendre. C'est de l'adrénaline pure. On comprendra que pour moi terminer une intervention s'avère compliqué. J'ai de la peine à finir. J'étire mes conclusions, je m'accroche au micro. J'ai tellement peur de retourner dans ma bulle de nullité habituelle. La petite notoriété que j'ai glanée au fil du temps me sert au moins à me réoxygéner. Sinon, je mourrais.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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