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Ma vie des autres (76)
Courts récits de 1000 signes (76). J'ouvre. Le contrôleur d'ERDF me tend un papier. Il vient arrêter l'électricité. Je lui explique qu'il ne peut pas, car je dois téléphoner à la mairie quand on viendra me couper l'électricité, et s'il me coupe l'électricité je ne peux pas téléphoner. Le service social de la mairie doit se mettre en rapport avec ERDF pour ne pas qu'on me coupe l'électricité. Il ne veut rien entendre. Depuis qu'EDF est devenue ERDF, il n'y a plus de pitié. C'est le troisième rappel, j'ai plus d'un an d'impayés, il doit me couper l'électricité. Le compteur est de l'autre côté du couloir, près de la cage d'escalier. J'ai beau lui expliquer, il se dirige vers le compteur. Je suis vieille et malade, il en profite. Il n'insisterait pas si j'étais un homme costaud. Bientôt, à cause de lui, je n'aurai plus de lumière, plus d'eau chaude, plus de chauffage, plus de téléphone, plus de frigo, plus de micro-ondes, plus de télé. Il y a de quoi s'énerver. Je cours dans la cuisine et je reviens en brandissant mon grand couteau hachoir. Je lui crie qu'il va lui arriver malheur s'il continue. Il prend peur, me traite de vieille folle et dévale l'escalier. Il croyait peut-être que j'allais me laisser faire.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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