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Ma vie des autres (45)
Courts récits de 1000 signes (45). Ils sont deux, comme les motards. L'un pose les questions, l'autre se contente de hocher la tête et de m'observer. Je triture mon stylo. Les deux feuillets que je viens d'écrire en réponse au sujet ne servent plus à rien. D'emblée, l'examinateur qui parle me met dans le trou. Je ne sais pas comment il a fait, mais il m'a vite jugé comme un candidat timide. Il m'arrête lorsque je veux commencer à lire le cours appris par cœur que je viens de pondre durant les vingt minutes de préparation. Le sujet ne l'intéresse pas. Il me demande simplement de définir l'un des mots du sujet : "procès-verbal", en précisant de faire attention, car l'expression n'est peut-être pas ce qu'elle semble vouloir dire a priori. L'autre examinateur acquiesce. Je sens la capacité de droit me passer sous le nez. Rien ne sort. Je reste coi devant ce terme rencontré pourtant des dizaines de fois durant mes études. Je sais pourtant ce qu'est un procès-verbal, mais la manière dont la demande est formulée, avec ce sourire sous-entendu, me fait craindre un piège. Ce que je sais n'est donc pas exact, donc je ne sais rien, je capitule. Ils attendent et bientôt ils vont s'impatienter.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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