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Ma vie des autres (21)
Courts récits de 1000 signes (21). Plus de deux heures, c'est long à tenir. Nadine tenait à voir la pièce de Schnitzler, moi j'aurais préféré passer une soirée tranquille à la maison, à lire un bon bouquin ou à regarder un western. Après une journée de chantier, ce n'est pas forcément un imbroglio dramatique légèrement vieillot qui s'avère le plus apte à vous mettre la tête au repos. Je n'ai jamais été très théâtre, au grand regret de Nadine, ni danse, ni concert. Elle partageait au moins ça avec son ex. Je ferme les yeux. C'est une habitude quand j'écoute de la musique. En voiture, je suis tentée de le faire. Je m'oblige à mettre le son de l'autoradio très bas quand je conduis, afin de ne pas me laisser aller. Comme nous sommes placés au premier rang, ça doit faire drôle aux acteurs de me voir avachi, paupières closes, comme chez moi, dans mon fauteuil de relaxation. Ils ont beau hurler et faire de grands gestes, je reste imperturbable. Je ne dors pas. J'ai ma méthode pour ne pas m'endormir, je fais comme si je conduisais ma voiture et que je devais demeurer vigilant. Ce qui m'oblige à tenir dans les mains, tout le temps de la représentation, un volant imaginaire. Nadine a l'habitude. Pas les comédiens. Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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