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samedi 20 avril

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Quand le Tatort se déguste à la Buchkantine

MAJ samedi 20 avril

Quand le Tatort se déguste à la Buchkantine
© Valérie Sebag

27 janvier 2010 - Savez-vous ce que font nos voisins allemands le dimanche soir pour se détendre, pour faire la transition entre le week-end et la semaine qui recommence ? Ils regardent un film policier à la télé... mais pas n'importe lequel : un "Tatort" (en français : "Lieu du crime"), un téléfilm qui existe depuis presque quarante ans (la première diffusion date de novembre 1970) et dont le succès ne se dément pas. L'engouement pour la série se transmet de génération en génération, c'est un peu comme rentrer chez soi, dans un environnement familier, ou comme un rituel qui laisse penser que les Allemands sont restés de grands enfants. Existerait-il outre-Rhin une passion inexplorée, méconnue pour les séries policières ? Enquête sur cet étrange phénomène.

Depuis la création du "Tatort", plus de sept cents films ont été tournés et diffusés, mais il ne s'agit pas d'un feuilleton sans début ni fin. Chaque épisode est une histoire en soi, les énigmes sont résolues et il n'est pas nécessaire de les avoir tous vus pour pouvoir suivre l'intrigue. L'originalité de la série repose sur le fait qu'on retrouve les mêmes équipes d'enquêteurs sur plusieurs épisodes et des lieux récurrents, comme Berlin, Munich, Hambourg et Stuttgart. Il faut savoir qu'un patchwork de chaînes régionales tapisse le paysage audiovisuel public allemand. Pour le "Tatort" presque toutes les régions allemandes sont représentées ainsi que les grandes villes, chaque "Land" produisant un ou plusieurs "Tatort" par an. Ils sont diffusés une première fois le dimanche soir à 20 h 15 sur une chaîne nationale, donc sur toute l'Allemagne. Les films sont souvent tournés au centre-ville, montrent des quartiers connus ou des paysages typiques comme une carte postale. On joue aussi sur les clichés régionaux mais pas trop et surtout pas avec les dialectes de peur de ne pas être compris par tout le pays ! Certaines équipes sont mieux aimées que d'autres. En ce moment, Münster en Westphalie a le vent en poupe avec une équipe composée d'un médecin légiste, voisin et propriétaire du commissaire. Les films de l'ancienne RDA, qui avait aussi son "Tatort" derrière le rideau de fer, appelé "Polizeiruf 110" ("110, Appel à la police"), se poursuivent aujourd'hui encore et demeurent les moins aimés du public. Ils sont diffusés sur la même chaîne, au même créneau horaire et tournés en ex-RDA. Les intrigues reposent souvent sur l'actualité sociale, sur l'exploration d'un milieu (la prostitution venue de l'Europe de l'Est, la violence à l'école ou le speed dating). Le taux d'audience d'un "Tatort" reste globalement élevé, en moyenne vingt pour cent. On peut se demander s'il existe en France une émission qui connaît une telle longévité. Même le générique n'a pas changé.

En ouvrant un peu les yeux autour de moi, j'ai constaté un phénomène récent : se retrouver entre amis au café pour voir le "Tatort", de nombreux bars diffusant l'épisode le dimanche soir. Je me suis rendue ainsi à la "Buchkantine", un café-librairie qui a ouvert il y a quatre ans dans Moabit, un quartier populaire de Berlin. La salle était bondée et le public plutôt jeune. Le directeur du café, Frederik Herbers, aime bien les "Tatort" et les regardait volontiers. C'est un ami qui lui a suggéré de les diffuser au café. Au début, il y a trois ans et demi, un public de quinquagénaires trouvait facilement une place pour savourer le film en toute tranquillité. Depuis, les spectateurs ont rajeuni et se sont multipliés, voir un "Tatort" au café est devenu culte. Quand j'ai demandé à Frederik d'où provenait le succès de cette forme de diffusion, il ne pouvait pas me l'expliquer : "C'est une vague qui prend bien depuis trois ans, mais qui va diminuer à un moment ou un autre." Pour lui, les "Tatort" sont de bons téléfilms, réalisés avec soin et qui visent un large public. Un aficionado me confie : "La série se moque des particularités locales, du côté provincial de certaines régions. Elle fonctionne avec les différentes équipes auxquelles on s'attache, qui ont les mêmes difficultés personnelles que le spectateur." Il existe donc un grand potentiel d'identification. Le public s'y retrouve. Car c'est bien connu : que peut-on faire un dimanche soir ? Autant rester chez soi ou, mieux encore, aller au bar du quartier avec des amis et voir le "Tatort", c'est un moyen assez simple de prolonger un peu les plaisirs du week-end !

Café-librairie La Buchkantine
Liens : Horst Tappert | Derrick et moi, mes deux vies Par Valérie Sebag

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